Plus d'un jeune Français sur trois s'informe et se divertit sur les sites du groupe présidé par Alexandre Malsch. 
Un écran de contrôle trône dans l'entrée de la "prairie", le quartier général de Melty. Il indique en temps réel les données de consultation des différents sites du groupe. En ce milieu de matinée, les filles sont surreprésentées parmi les quelques « 29 000 jeunes en ligne ».

Décideurs. Les filles représentent-elles réellement l’immense majorité de votre audience ?
Alexandre Malsch.
Le tableau est actualisé en temps réel, or en début de journée notre trafic est encore relativement calme et donc peu représentatif de notre audience. Le nombre de visiteurs décolle réellement vers 16 heures, pour atteindre l’heure de pointe entre 19 et 23 heures. Les statistiques sont également perturbées par le calendrier : en cette époque de bac et de brevet, les lecteurs se connectent plusieurs fois par jour pour obtenir des nouvelles informations sur leurs concours. Ce calendrier rajeunit considérablement notre public, puisque melty est d’ordinaire très actif sur les 18 – 30 ans.

Décideurs. Salut les copains fut le pionnier sur le terrain des jeunes, lorsqu’ils ont pu dépenser leur premier argent de poche. Vous inscrivez-vous en héritier ?
A. M.
Nous ne sommes pas de la presse jeunesse et nous ne nous adressons pas aux adolescents comme ils le faisaient à l’époque, la comparaison est donc difficile. Notre écosystème est celui des étudiants et des jeunes actifs. Nous sommes surreprésentés chez ces jeunes là, près d’un sur trois nous lit. Ils ont leurs propres sources de revenus et habitent souvent encore chez leurs parents, ce qui leur donne un fort pouvoir d’achat. Ils sont également capables d’économiser et de se sacrifier pour dépenser beaucoup dans un produit de luxe – en ce sens ils ne sont pas différents des adultes.

Décideurs. Vous arrivez à maturité sur le marché des jeunes en France, vous déclinez votre offre dans d’autres zones géographiques. Les jeunes sont-ils les mêmes partout ?
A. M.
Après l’Espagne, l’Italie ou en encore le Brésil, nous nous ouvrons vers la Pologne et le Mexique. Le modèle se déploie bien car les jeunes que nous rencontrons sont très similaires dans leurs comportements. Urbains, connectés, ils apprécient notre ligne éditoriale qui est d’aborder les sujets sous un angle positif. Que l’on parle de jeux vidéo ou de personnalités, le contenu est toujours positif et cela se ressent sur nos lecteurs. Ils sont passionnés et obstinés, capables de se connecter plus de dix fois par jour pour obtenir des informations sur une série par exemple, comme c’est le cas avec Under the dome, qui rencontre un énorme succès.

Décideurs. Vous qui connaissez si bien votre audience, anticipez ses goûts et besoins, envisagez-vous de la « suivre » lorsqu’elle grandit ?
A. M.
D’autres médias s’occupent bien mieux que nous des tranches d’âges supérieures et inférieures. Nous sommes réellement compétents sur les jeunes actifs : autant l’exploiter au mieux. Cela étant, l’écosystème de melty était plus jeune à son origine, puis a grandi avec le groupe. La bascule s’est faite en 2011, au moment de l’intégration de Fan2.fr, qui cible les moins de 18 ans.

Décideurs. Votre évolution est donc principalement éditoriale ?
A. M.
Notre stratégie est de nous diversifier sur la tranche d’âge que nous connaissons le mieux. Cela donne aujourd’hui un groupe qui intègre de très nombreux sites thématiques indépendants, allant de MCM pour filles et pour garçons, au site de Virgin Radio pour la musique, en passant par meltyXtrem ou meltyDiscovery, qui se concentre sur les sciences, l’aventure et les voyages. Nous avons re-ciblé notre contenu selon des angles différents, en partant des goûts et envies des jeunes actifs.

La recette marche très bien. meltyFood, le seul site dédié à la culture food pour les jeunes, a démarré très fort. Notre site meltyFashion rencontre également un franc succès, qu’il soit d’audience (c’est l’un des plus gros du marché) ou d’estime : Karl Lagerfeld lui-même a recommandé la façon dont nous traitions les contenus liés à la mode.

Décideurs. C’est donc un réseau très large de contenus que vous pilotez. Vous considérez-vous comme un réseau ou un groupe ?
A. M.
meltyNetwork est justement devenu meltygroup il y a peu. C’est un changement qui va au-delà de la sémantique, puisque nous ne nous considérons pas comme un média. Le groupe est composé de neuf pôles d’expertises : media & advertising, le lab (qui regroupe la R&D), le département storm (en charge de la créativité), un département de production (qui édite 230 heures de vidéos exclusives et de séries chaque année). Le pôle entertainment est en charge des marques et des programmes spéciaux telle que la Talent House, qui met en avant les talents de demain et rencontre un énorme succès. Enfin, le groupe a son propre pôle events, son équipe metrics (en charge de l’analyse des données en temps réel, en partenariat avec Ipsos), et un pôle social, dont la fonction est de « viraliser » les contenus.

Décideurs. La jeunesse est demandeuse de contenus neufs mais aussi d’expériences concrètes. Comment vous adaptez-vous à ce besoin ?
A. M.
melty organise un nombre considérable d’opérations expérientielles. Entre cinq et dix opérations sont en cours de préparation en simultané. Cela va des défilés de mode diffusés en live et en stream, à des showcases que nous organisons dans nos locaux. Cette semaine nous recevons par exemple Austin Mahone, qui est l’une des stars montantes de la pop américaine.

Pour Pepsi, nous avons monté l’opération selfear (ndlr : jeu de mots entre selfie, les autoportraits en vogue, et fear, peur en anglais) en coopération avec leurs équipes marketing et une agence. Le succès est immense. Autre exemple, la « Gaming zone » que nous avons créé avec Coca-Cola est une sorte de grosse rubrique de notre site. Elle a attiré 3,5 millions de visiteurs dont 80 % sont venus en direct, sans passer par la publicité. Douze fois par an un gagnant de la Gaming zone est invité à des événements dédiés à l’univers du jeu vidéo.

Les expériences peuvent donc être très concrètes pour nos visiteurs. Les melty Awards récompensent ceux qui feront l’année 2015, ils rassemblent cette année 3 000 personnes dans un même endroit…

Décideurs. Ce business model a-t-il une déclinaison BtoB ?
A. M.
Il y a une demande très forte des groupes plus institutionnels de comprendre l’univers des jeunes. C’est pourquoi nous avons créé Airofmelty, qui est un réseau permettant à ces acteurs de networker et de rester connectés aux nouveautés du secteur. Dans ce cadre, nous organisons des matinées destinées à des groupes de 6 à 8 personnes, facturées 2 500 € seulement. Ces master class permettent surtout d’apprendre en profondeur les comportements et l’univers business de la jeunesse, ainsi que le fonctionnement des entreprises de nouvelle génération comme la nôtre. Le mot d’ordre est inspiré de Spiderman : « Avec une grande coolitude viennent de grandes responsabilités.» 

Décideurs. Votre volume d’audience est mis en avant comme si celle-ci était homogène. Que proposez-vous aux annonceurs qui cherchent des solutions plus ciblées ?
A. M.
La réalité est plus simple que cela, nous offrons très peu de ciblage car nous fonctionnons en RTB inversé : les annonceurs présentent leurs besoins et nous optimisons nous-mêmes en interne, avec des résultats excellents.

Décideurs. Vos ancêtres de la presse dédiée aux jeunes ont disparu. Qui vous remplacera ?
A. M.
Personne : nous nous remplacerons nous-mêmes, car nous ne sommes pas un média. Nous sommes un « label sur le contenu », qui cherche à comprendre ce qui intéresse les jeunes et les intéressera plus tard. Le format de diffusion est neutre. Web, mobile, papier, applications, toutes sont intéressantes. Les applis génèrent désormais 40 % de notre trafic global, cela ne nous a pas empêché de lancer un support papier éphémère, dont le succès a été étonnant.


Propos recueillis par Pierre-Henri Kuhn

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