Chairman et CEO d'Ynsect, Antoine Hubert va pouvoir alimenter l'aquaculture en farine d'insectes et se rapprocher d'un marché estimé à 10 MD$ de ventes dans le monde. Cette étape n'est pas étrangère à la dernière levée de fonds de l'agro-industriel tricolore (14,2 M€).

Dealmakers. Bravo pour votre levée de fonds de 14,2 M€. Loin d'être le fruit du hasard, cette collecte vient sanctionner vos premiers grands accomplissements. Pouvez-vous retracer l'histoire d'Ynsect ?

Antoine Hubert. Contrairement à ce qui se fait classiquement dans l'industrie – la valorisation de brevets technologiques par le biais de spin-off de grands groupes de la pharmacie/biologie –, moi et mes co-associés sommes partis d'un problème précis pour lui apporter une solution commercialisable. En 2011, nous avons fondé Ynsect ex nihilo. Nous nous sommes dits qu'il y avait plus de croissance dans la production de matières premières destinées à l'alimentation que dans leur distribution... De plus, les prémices d'un élargissement du marché de l'alimentation animale à base d'insectes ont pu se faire sentir. De plus en plus de travaux scientifiques faisaient alors l'objet de publication dans les revues spécialisées. Aussi, depuis quelques années, des financements étaient alloués par l'ONU au profit d'élevages d'insectes en Asie. Enfin, les débats concernant le recyclage des matières organiques prenaient de plus en plus de place dans la sphère publique.

 

Bruxelles vient d'autoriser l'alimentation des poissons d'élevage avec de la farine d'insectes. C'est une très bonne nouvelle pour vous. Les vents sont de plus en plus favorables ?

Oui, c'est une grande avancée pour l'agro-industrie. Elle a notamment été rendue possible grâce au travail de l'International Platform of Insects for Food and Feed (IPIFF), association que je préside, qui a participé à la levée des barrières érigées depuis le scandale de la vache folle. Il faut garder en mémoire que toutes les protéines animales étaient depuis prohibées. A l'époque, personne n'avait pensé au sort des insectes, et ils se sont retrouvés dans la mauvaise case. Nous avons donc prouvé à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) que notre activité était saine et pérenne. Cette dernière décision va nous permettre de générer des revenus significatifs issus de l'aquaculture (saumons, truites, dorades...), un marché représentant plus de 10 MD$ dans le monde.

 

Explorons votre cœur d'activité. De quel type d'insectes parlons-nous exactement et à destination de qui ?

En 2014, à la suite de notre levée de fonds avec Demeter et Emertec, nous avons fait le screening d'une grosse quinzaine d'espèce d'insectes – il y en a environ un million dans le monde – et le meilleur compromis s'est révélé être le ténébrion, aussi connu sous le nom de ver de farine. Sa composition protéique est très dense, énergétique et nutritive. Il est aussi cosmopolite dans le sens où il convient à l'ensemble des animaux. Nos essais ont confirmé ce que nous pensions auprès de nombreux animaux : chiens, chats, poulets, saumons, truites... Nous allons bientôt essayer avec des porcelets. Quoi qu'il arrive, notre farine d'insectes ne constitue pas 100 % du régime alimentaire de l'animal. Ce n'est qu'une fraction de la composition d'une croquette pour le chien. Notre produit est d'une qualité supérieure puisqu'il remplace progressivement la farine de poissons, considérée jusqu'alors comme la référence du marché.

 

Tout le monde est donc gagnant avec la farine d'insectes ?

Chez les producteurs, le gain d'énergie est significatif puisque la farine d'insectes se mélange mieux aux autres composants. Les avantages sont encore plus forts chez leurs clients, les éleveurs : les rendements générés par les poissons et les poulets sont plus élevés. Soit parce que leur chair est de meilleure qualité, soit parce qu'ils grandissent plus vite et/ou en meilleure santé. Sur le plan commercial, nos prix restent compétitifs alors même que nous proposons du premium. Nous pensons avoir quatre concurrents directs – un sud-africain, un canadien et deux néerlandais –, et les 14,2 M€ frais devraient nous permettre de prendre la tête de ce petit peloton.

 

FS

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