La City, première place financière mondiale depuis 2015, est condamnée à perdre de sa splendeur. Paris compte bien en profiter.

Moins de deux semaines après le Brexit, HSBC et J.P. Morgan, deux poids lourds de la finance, annonçaient qu’ils déménageraient tout ou partie de leurs équipes hors du Royaume-Uni. Et ce ne sont pas des cas isolés. « Un nombre important de transactions et d’opérations d’investissement ont déjà été stoppées depuis le Brexit », témoigne Christophe Jacomin, avocat associé chez Lefèvre Pelletier & associés.

 

Ne pas attendre

 

Ce blocage s’explique par les incertitudes qui pèsent sur les acteurs du marché. Quelle organisation mettre en place pour les institutions financières agréées en Angleterre opérant dans l’Union européenne en libre prestation de services ou en succursale ? Quelle valeur donner aux contrats bancaires et financiers en cours ? Quels seront les évolutions du cadre réglementaire bancaire et financier au Royaume-Uni ? Autant de questions qui sont pour le moment sans réponse. Du propre aveu du secrétaire générale de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), Édouard Fernandez-Bollo, « nos souhaits ont aveuglé notre faculté d’anticiper : nous nous serions bien passé du Brexit ». Une situation bancale qui pourrait perdurer encore longtemps. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne prendra au minimum deux ans et le début de cette période de négociations n’est pas encore fixé.

 

Pour le moment, deux scénarios émergent. Le premier est que le Royaume-Uni, une fois sorti, rejoigne, comme la Norvège, l’Espace économique européen. Cela aurait l’avantage de ne rien changer pour le secteur financier, mais cette voie n’est pas la plus probable puisqu’elle serait en contradiction avec le vote des Anglais. Le deuxième, plus réaliste, est que le Royaume-Uni devienne un pays tiers équivalent. Il y aura donc des possibilités d’avoir un accès facilité au marché français mais l’obtention d’un passeport sera nécessaire. « Il ne faut pas attendre le sens des négociations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne pour réfléchir à une nouvelle organisation », prévient Christophe Jacomin.

 

Parmi les premiers sujets à traiter, l’établissement d’une institution financière agréée dans l’un des États de l’Union européenne afin de bénéficier d’un passeport et la relocalisation d’une partie des activités dans une place financière continentale. « Dans les deux cas, le choix de la future destination est cruciale et doit dépendre d’un ensemble global de paramètres en relation avec les prestations exercées », insiste Christophe Jacomin. Si, avec 3 600 milliards d’euros d’actifs en gestion, Paris peut se targuer d’être la deuxième place boursière européenne, derrière la City, elle doit faire face à la concurrence de nombreuses petites places : Dublin, qui affiche une fiscalité attrayante, Francfort, qui souhaite récupérer l’Autorité bancaire européenne jusqu’à présent installé à Londres, et le Luxembourg qui est déjà l’endroit privilégié des fonds d’investissement. Le secrétaire général de l’ACPR indique avoir déjà reçu de nombreuses demandes d’informations de la part de sociétés étrangère implantées à Londres.

 

Soutien du gouvernement

 

Pour soutenir cet intérêt, ce dernier s’est engagé a facilité les démarches : « Comme les entreprises anglaises sont déjà agréées par l’Union européenne, nous réfléchissons à mettre en place des solutions intermédiaires sous forme de procédures accélérées. » Mieux encore, la place financière de Paris semble avoir, pour une fois, conquis les autorités publiques. Le 6 juillet, lors du déjeuner organisé par Paris Europlace, Manuel Valls, Premier ministre, Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France et Anne Hidalgo, maire de Paris, avaient fait le déplacement pour montrer leur soutien. Pour attirer les entreprises, le gouvernement compte séduire les salariés. Manuel Valls a ainsi annoncé un assouplissement du régime fiscal pour les résidents étrangers et pour les Français qui reviennent s’installer dans l’Hexagone après avoir passé cinq ans à l’international.  « Nous voulons que le régime des impatriés devienne le plus favorable d’Europe », a-t-il insisté. La durée pendant laquelle s’appliquent leurs exonérations fiscales sera ainsi prolongée de cinq à huit ans et la prime d’impatriation sera quant à elle exonérée de taxe sur les salaires. Autre mesure phare, la création de section bilingue pour accueillir les enfants des salariés étrangers. Valérie Pécresse a notamment affiché son souhait de créer deux nouvelles écoles bilingues, l’une à la Défense et l’autre à Châtelet. Cela suffira-t-il à faire oublier la différence d’impôt sur les sociétés entre Dublin et Paris (12,5 %, contre 28 %) ? Pas sûr.

 

Vincent Paes

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