Pour l'association européenne Energy Cities, les actions des collectivités locales constituent le meilleur moyen d'accélérer la transition énergétique. Créée en 1990, elle déploie ses actions dans plus de mille villes de trente pays européens. Entretien avec Claire Roumet, sa déléguée générale.

Décideurs. Tout d’abord, avez-vous constaté un effet global post COP21 par rapport à l’engagement des collectivités locales? 
Claire Roumet. C’est plutôt dans la perspective de la COP21 qu’une impulsion nouvelle a été donnée à l’action territoriale. Des élus locaux du monde entier se sont mobilisés pour prendre part au sommet, non pas en qualité d’observateurs mais bien en  tant que contributeurs à part entière. Plusieurs villes ont pris des engagements forts pour s’orienter vers une démarche 100 % renouvelable. L’Union européenne s’est enfin associée à notre initiative phare, la Convention des maires, pour en soutenir l’extension que l’on souhaiterait mondiale. Aujourd’hui, la Convention des maires réunit 7 000 villes qui s’engagent à atteindre et dépasser les objectifs énergie-climat de l’Union européenne à l’échelle de leur territoire. Ce mouvement leur accorde une plus grande place sur l’échiquier énergético-climatique. Mais le chemin à parcourir reste long. Notre vision est que la prise en compte des potentiels locaux dans la planification énergétique européenne demeure encore trop anecdotique. 
 

Décideurs. Energy Cities a été créée en 1990. Comment structurez-vous aujourd’hui votre action ? 
C. R. Nous développons une vision en  trois « D » de notre avenir énergétique. Le premier est la décentralisation des pouvoirs et des compétences vers les collectivités territoriales. Elles sont les seules à même d’identifier et d’exploiter les multiples gisements d’économies d’énergie et de ressources locales renouvelables (déchets, géothermie, biomasse, vent, soleil…) ou de récupération (chaleur fatale de processus industriels, eaux usées, etc.). Notre deuxième axe est la démocratisation des systèmes énergétiques. Nous pensons que la transition énergétique doit offrir l’opportunité d’une transition sociétale, qui passe par un meilleur partage des ressources et une codécision citoyenne sur le choix des infrastructures. Enfin, notre troisième « D » est celui du désinvestissement des énergies fossiles. Il s’agit là d’un mouvement qui a retenti lors de la COP21 mais que nous souhaitons porter davantage au niveau européen. Les projets d’économies d’énergie ou de valorisation des ressources locales ne font toujours pas le poids face aux méga-programmes d’interconnexions des marchés du gaz et de l’électricité, qui figurent parmi les  priorités de la Commission européenne. Notre mission consiste à flécher les grands programmes d’investissement européens vers un agenda plus favorable au développement local. La Commission semble concentrée sur l’interconnexion des marchés à travers une plus grande coopération transfrontalière. Bien que cette dimension revête une importance incontestable, et quelque peu liée à la raison d’être de l’Union européenne, elle ne peut prendre le pas sur une logique locale, visant à valoriser les ressources et opportunités des territoires  qui sont des catalyseurs concernant les bonnes pratiques au niveau européen… voire mondial. 


Décideurs. Vous menez de nombreuses initiatives de coopération à travers l'Europe qui s’appuient considérablement sur l’engagement citoyen. Quelle est votre vision de l’évolution de l’engagement des entreprises ? 
C. R. Elles s’investissent aujourd’hui concrètement sur des projets de transformation urbaine. Pour exemple, à Lyon, un projet de démonstration localisé dans le quartier de Perrache-Sainte-Blandine vient d’être lancé. Il est mené par SPL Lyon Confluence, l’agence en charge du développement de cette zone. Il consiste à créer les infrastructures pour gérer, de façon intégrée et optimisée, les flux énergétiques des habitants de 550 appartements, soit 35 000 mètres carrés habitables quant au besoin d’électricité, de chaleur et de mobilité. L’objectif du projet est que les productions et consommations d’énergie s’équilibrent afin de tendre vers une neutralité en carbone. L’outil principal de la gestion des besoins énergétiques du quartier est une plate-forme informatique appelée Community Management System (CMS) qui centralise l’ensemble des données en temps réel provenant de tous les objets connectés du quartier. Elle se construit en partenariat avec  Schneider, Toshiba, ERDF et EDF. Les exemples de ce type sont toujours intéressants à souligner… et l’on constate qu’ils sont aussi de plus en plus nombreux.
 

Propos receuillis par Laetitia Sellam 
 

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