Alors que les pays s’activent pour préparer la Cop21, l’Agence française de développement (AFD) est revenue sur l’importance de la modélisation dans les politiques climatiques à l’échelle des villes.

À l’heure de la transition énergétique, l’AFD a réuni scientifiques et économistes dans le cadre d’un débat sur la mesure de l’impact des politiques climatiques. Un modèle universel de mesure des politiques climatiques urbaines, telle semble être la quête à laquelle s’adonnent les villes de France, à l’instar de villes internationales telles que Bogota ou Johannesburg qui planchent activement sur des modèles urbains comme le modèle LUTI, qui modélise les interactions entre systèmes de transports et l’occupation des sols. Problème : plus d’une centaine d’outils de mesures se partagent la vedette, chacun répondant à des problématiques spécifiques. Aujourd’hui, la complexité de la prise en compte de l’environnement dans une politique urbaine d’une part, la pénétration du numérique dans la ville d’autre part, font exploser les carcans des outils traditionnels. Ainsi, aux contraintes très différenciées des besoins de chacune des villes s’ajoute le manque d’expression de ces besoins, souvent inconscients. Alors que la modélisation force à la standardisation et à la moyennisation des comportements, les villes réclament toujours plus de précision, accentuant d’autant plus l’impossibilité d’une réponse commune.


 

Les villes face à l’impossible mesure de l’impact des politiques urbaines

Un modèle, certes, mais quid de la dimension opérationnelle ? Selon Mathieu Saujot, modélisateur à Grenoble, plusieurs obstacles se présentent : l’illusion du temps réel avec le big data, la concordance avec les attentes des utilisateurs, les limites des ressources locales qui se heurtent à une complexité croissante, et les écarts des comportements réels. En outre, le temps trop court des mandats empêche la projection des territoires dans une évolution, et la diversité des parties prenantes se heurtent à la précision des modèles, mettant à mal l’interprétation des résultats. Chaque ville a donc son niveau de finesse quant aux modèles, rendant inconcevable l’idée d’une mesure collective.  


 

Le challenge de l’accompagnement pour l’utilisation des outils

Dès lors, le véritable défi se situe, selon le chercheur Damien Verry et Boris Bailly du laboratoire Icare, dans l’alimentation du dialogue en amont entre collectivités et scientifiques, afin de faire émerger une langue commune, au même titre que l’échange des ressentis et les transferts d’intérêts entre les collectivités : « Les collectivités écoutent plus leurs pairs que les experts, soulignent-ils, et le nombre d’acteurs correspond au nombre de perceptions.» Néanmoins, ce dialogue ne naîtra qu’en renonçant à l’orthodoxie scientifique et en évitant tout instrumentalisation de l’outil  par les politiques pour convaincre leur électorat. La ville pourrait ainsi pleinement s’insérer dans une stratégie de développement urbain durable, après traduction stratégique et opérationnelle des outils. Aujourd’hui, l’urgence est donc à la mise en place d’une culture de l’évaluation, alors même que les complexités s’agrandissent et les intérêts diffèrent. Néanmoins, l’AFD reste prudente quant à l’utilisation des outils : le modèle, multi-dimensions,  n’apporte qu’un éclairage, tout en plongeant le reste dans l’obscurité. Face à ce paradigme et pour des mesures climatiques efficaces, c’est donc la complexité et l’utilisation des outils qu’il reste à gérer, afin d’éclairer les aspects pertinents des politiques urbaines climatiques.  


S. C.

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