Le patron de la banque d'investissement de Degroof Petercam regrette les banquiers d'antan, la vraie ingénierie financière et l'élaboration de grands projets industriels. C'est d'ailleurs cette position de technicien qui pourrait lui permettre de protéger Gameloft des griffes de Vivendi.

Décideurs. Vous revendiquez le modèle de banque d'investissement à l'anglo-saxonne. Quels sont les services qui vous différencient de vos concurrents ?

Cyril Kammoun. C'est aussi le modèle de la banque d'affaires en Belgique. En pratique, nous couvrons les métiers allant des fusions-acquisitions aux marchés de capitaux avec une capacité à être bookrunner dans les opérations de marché grâce à nos salles de marché et notre bilan. Historiquement, nous sommes des spécialistes du M&A small et mid-cap : il s'agit plutôt d'accompagner des entreprises de 40 M€ de valorisation en moyenne jusqu'à 300-400 M€. Occasionnellement, comme l'an passé lors de la reprise des actifs de Lafarge par l'indien Dalmia pour 2 MD€, nous acceptons d'intervenir sur des deals d'une valeur supérieure. Mais cela n'est pas notre fonds de commerce. Comme chez Rothschild ou Lazard, notre carnet d'adresses nous permet d'intervenir sur ces dossiers de place. Nous les traitons vraiment au cas par cas car notre ambition est de développer des relations pérennes avec les PME, ETI et leurs dirigeants. N'oublions pas que Degroof Petercam est d'abord une banque privée !

 

Décideurs. Quels sont les mandats qui vous occupent en ce moment ?

C. K. L'offensive de Vivendi sur Gameloft nous occupe beaucoup. Nous continuons à conseiller Gameloft, après la nouvelle offre, car des échéances approchent. Il y a également la décision du jugement au fond attendue pour septembre. Côté dette, nous venons de conclure le premier financement syndiqué de Transdev pour 1,2 MD€ ou encore le financement de la sortie de Naxicap dans le Groupe Bertrand. Auparavant, nous avions réussi l'émission d'obligations high yield de Quick pour 600 M€, un grand succès compte tenu du profil de risque très élevé de la société.

 

Décideurs. Comment le métier de banquier d'affaires a-t-il évolué ?

C. K. Aujourd'hui, le jeune banquier est suspect. Il veut vous vendre un produit financier ou un conseil particulier et toucher sa commission. Les rainmakers se font plus rares que les dealmakers. Le vrai banquier, doté d'une culture financière dense et d'une expérience diverse en secteurs d'activités et pays, est celui que vous appelez lorsque vous rencontrez un problème. Il n'a rien de spécifique à vous vendre mais vous pouvez lui faire confiance pour dénicher la meilleure solution.

 

Décideurs. Toutes les banques ont des professionnels compétents et des offres pertinentes. Le prix peut-il constituer un avantage concurrentiel ?

C. K. Oui et non. Oui car il faut une forme de compétitivité sur le niveau des commissions. Les nouvelles boutiques n'hésitent pas à jouer de ce levier-là pour nous prendre des marchés, donc nous devons en tirer quelques leçons. Non car en réalité, ces commissions doivent refléter les performances que vous délivrez. Par conséquent, du seul point de vue factuel, il n'est pas nécessaire de « dumper » ses propres tarifs si vous apportez plus de valeur que d'autres à vos clients. Notre métier doit être gouverné par l'intelligence, la prise de risque mesurée et l'objectif de résultat. Une star comme Bernheim faisait le marché et ne le subissait pas. Quand vous faites le marché, vous fixez vos prix. C'est d'autant plus difficile que le monde de la finance a été laminé par la réglementation de par le monde. Etre banquier d'affaires, ce n'est pas développer des modèles optionnels derrière plusieurs écrans de trading, mais c'est créer de la valeur pour le dirigeant et son entreprise, peu importe la taille, au quotidien. Les politiques ne doivent pas mettre tout le monde dans le même panier.

 

FS

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