Édouard Fernandez-Bollo est arrivé à la tête de l’autorité de régulation des activités bancaires et assurantielles il y a deux ans. Qualifié par la presse de « régulateur philosophe », il exerce sa mission dans les hautes sphères de la finance sans manquer de hauteur. Une qualité qu’il tient de son passage à l’École normale supérieure et de sa profession d’enseignant en philosophie à la Sorbonne. Une ligne de conduite qui dénote dans le secteur.

Décideurs. Titulaire d’un pouvoir de police administrative et de sanction, pensez-vous que l’ACPR soit crainte par les acteurs du marché bancaire et assurantiel ?
Édouard Fernandez-Bollo.
Pour nous, l’important est que nos exigences soient suivies d’effet. Nous avons, notamment au cours de ces années de crise, renforcé fortement nos contrôles sur les banques, accru les demandes de fonds propres supplémentaires, imposé des mesures toujours plus strictes de contrôle interne, et les banques et compagnies d’assurance ont effectivement obtempéré à nos exigences. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles nos banques ont pu largement passer les tests d’évaluation globale des actifs réalisés en 2014. En ce qui concerne l’assurance, notre action de préparation à Solvabilité 2, comme en matière de protection de la clientèle, par exemple sur les contrats non réglés, a eu aussi des effets importants.

 

Décideurs. Vous positionnez-vous comme un collaborateur des banques et des assurances ou davantage comme un gardien de la réglementation ?
É. F.-B.
Je m’étonne que vous puissiez vous poser la question. L’ACPR est une autorité administrative indépendante de contrôle, il n’est pas concevable de l’imaginer comme un collaborateur des banques. La loi a confi é à l’ACPR une double mission : veiller à la préservation de la stabilité financière et à la protection des clients assurés, adhérents et bénéficiaires des sociétés soumises à son contrôle. C’est donc à ces fi ns qu’elle exerce les pouvoirs qu’elle a reçus.

« En obtempérant à nos exigences, les banques ont pu largement passer les tests d'évaluation globale des actifs réalisés en 2014 »

Décideurs. Souhaitez-vous que l’ACPR augmente son pouvoir de sanction ?
É. F.-B.
L’ACPR ne peut pas elle-même accroître son pouvoir de sanction, cela relève d’une décision du législateur. Ce que je peux constater, c’est que ces derniers temps il y a eu une évolution importante des pouvoirs de sanction des autorités similaires au plan international et européen, allant dans le sens global du renforcement, mais dont l’impact a jusqu’ici été différent en France selon les secteurs (banque et assurance) ou les domaines d’action (règles de bonne conduite des activités de marché, lutte anti-blanchiment). Une réflexion est en cours au niveau du Parlement en France pour se pencher sur ces évolutions et vérifier leur cohérence d’ensemble, ce qui me paraît une très bonne chose.

 

Décideurs. Les règles nationales sont issues des directives européennes et leur transposition est faite par voie d’ordonnance. Quelle est la place de l’ACPR dans ce contexte ?
É. F.-B.
Les règles essentielles relèvent du niveau législatif et/ou gouvernemental qui a la légitimité et la responsabilité politique de leur bien-fondé (l’ordonnance n’étant d’ailleurs qu’un des moyens à leur disposition dans le cas de calendriers serrés). C’est là un fonctionnement normal pour un État de droit. L’ACPR intervient ensuite pour leur mise en œuvre en assurant leur application. Bien entendu, l’expérience de cette application des règles peut être un élément très utile pour ceux qui sont chargés de les modifier et c’est pourquoi l’ACPR est toujours prête à faire part des réflexions issues de son expérience concrète pour apporter son concours aux entités responsables dans ces domaines.

 

Décideurs. Avez-vous le sentiment que le modèle d’une autorité nationale dont l’action est harmonisée au niveau européen soit encore justifié ?
É. F.-B.
C’est de toute façon une question qui relève du législateur, puisqu’il s’agit d’apprécier dans quels secteurs il y a un besoin avéré de contrôles harmonisés au niveau européen pour faire jouer à plein les bénéfices du marché unique.

 

Décideurs. Quelle place pour la médiation ou plus largement pour la justice transactionnelle au sein de l’ACPR ?
É. F.-B.
L’ACPR n’est pas elle-même un médiateur, c’est là en effet un rôle qui requiert une approche très spécifique : il faut regarder au cas par cas des situations individuelles pour traiter de façon juste et équitable leurs spécificités. Compte tenu de ses missions, l’ACPR se place surtout au niveau d’une appréciation globale de la situation d’un établissement, plutôt qu’à celle nécessairement ponctuelle du médiateur. Bien entendu, les informations tirées de ces cas peuvent aussi être pertinentes pour notre regard global et on ne peut donc que souhaiter au plan général le renforcement de la portée et de l’efficacité des structures de médiation dans les secteurs que nous suivons. Nous n’avons pas de notre côté d’expérience de ce qu’on appelle la « composition administrative » pour l’exercice de nos missions. Je me contenterai donc de noter que là où elle a été instaurée en France, c’est avec de fortes garanties qui assurent la transparence et l’homogénéité de procédures qui pourraient suivre cette voie, lorsqu’elle est, pour des raisons d’efficacité, jugée préférable à la voie des procédures contentieuses de sanction.

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