Revendiquant un programme construit sur le terrain avec ses 205 000 « marcheurs », le candidat autoproclamé anti-système est aujourd’hui favori pour l’emporter face à Marine Le Pen le 7 mai prochain.

Avec lui, un vent de fraîcheur souffle sur la politique française. À la tête du mouvement d’un nouveau genre, Emmanuel Macron le « progressiste » se démarque et mène une campagne remarquable. Sans doute l’une des plus efficaces de la Ve République. Et pour cause, inconnu du grand public il y a encore quatre ans, l’homme est aujourd’hui en passe de remporter la course à l’Élysée.

 

Conjoncture favorable

 

Quel est donc son secret?? Son charisme peut-être. « Par la grâce de sa gestuelle, il donne l’impression d’être quelqu’un d’exceptionnel », estime Jean Garrigues, spécialiste d’histoire politique. Avec son positionnement « ni à droite ni à gauche », l’ex-ministre de l’Économie ratisse large. Chefs d’entreprise, journalistes, géants du Web, économistes… ils sont nombreux à avoir annoncé leur ralliement au leader d’En marche?!. Au-delà de sa capacité à rassembler, force aussi est de constater qu’il bénéficie d’une conjoncture favorable. Tandis que François Fillon est encore et toujours empêtré dans le « Penelopegate », Benoît Hamon, incapable de réunir les forces de gauche, se voit délaissé par l’aile droite du PS. Mais Emmanuel Macron, c’est aussi l’art du spectacle et de la mise en scène. En témoignent ses gigantesques réunions publiques aux allures de concerts de rock. Pour la politologue Virginie Martin, l’ex-ministre de l’économie est « l’archétype de la communication politique ». Tout est pensé, calculé comme une campagne marketing. Y compris le jour et l’heure de révéler les mesures phares de son programme.

 

Solutions édulcorées

 

Alors que les projets de ses adversaires sont connus pour certains depuis des mois, le leader d’En marche?! a, lui, attendu le dernier moment pour dévoiler les grandes lignes du sien. Si bien que d’aucuns lui ont reproché, à tort, une absence de programme. Son diagnostic de la situation du pays est même jugé cohérent par la plupart des experts. Seulement voilà, à force de vouloir rassembler et plaire au plus grand nombre, sur le plan économique, il n’apporterait que des solutions édulcorées. « Il cherche à apaiser la douleur, plutôt qu’à soigner la maladie », lui reproche l’économiste Alain Fabre, le soupçonnant de vouloir éviter certains problèmes. Comment le candidat, soutenu aussi bien par des proches d’Alain Juppé que de Manuel Valls, pourra-t-il former une majorité gouvernementale cohérente et homogène?? C’est à cette question que doit répondre Emmanuel Macron au plus vite pour être certain de l’emporter le 7 mai prochain.

 

Capucine Coquand 

@CapucineCoquand

 

                              Le programme 

 

Économie

 

  • Lancer un plan d’investissement de 50 milliards d’euros.
  • Réaliser 60 milliards d’euros d’économies en cinq ans.
  • Baisser l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 %« pour rejoindre la moyenne européenne ».
  • Exonérer de taxe d’habitation 80 % des ménages.

 

En empruntant des mesures à la gauche comme à la droite, l’ancien ministre de l’Économie espère satisfaire le plus grand nombre. Une réalité qui ne l’empêche pas de proposer un projet économique jugé « cohérent », par la plupart des observateurs. À l’occasion d’une interview accordée aux Échos en février, le candidat d’En marche ! a pu étayer ses objectifs : « Je vise d’abord 25 milliards d’économies sur la sphère sociale. Cela passe par 15 milliards sur l’assurance-maladie (…). Ensuite, je réaliserai 10 milliards d’euros d’économies sur l’assurance-chômage grâce aux réformes structurelles. » Du côté des investissements, cinq grands secteurs seront concernés : « la qualification des citoyens », la transition écologique, la révolution numérique, la modernisation des services publics et, enfin, la rénovation urbaine. Une fausse bonne idée selon certains. « Du gaspillage, estime même l’économiste Jean-Marc Daniel, reprochant à Emmanuel Macron de proposer ce plan d’investissement dans l’unique but de séduire les électeurs de gauche. Le problème de la France, c’est que les entreprises n’investissent pas. » Un sujet sur lequel Emmanuel Macron s’est néanmoins penché, puisqu’il prévoit de soutenir l’investissement privé en baissant l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 %. « Nous transformerons le CICE en allégements de charges pérennes et l’ISF en "impôt sur la fortune immobilière" », précise-t-il.

 

 

Emploi 

 

  • Supprimer le régime social des indépendants.
  • Instaurer un bonus/malus pour les entreprises abusant des CDD courts.
  • Organiser la vie économique et sociale au niveau de la branche et de l’entreprise, cadre dans lequel les 35 heures pourront être assouplies par des « accords négociés majoritaires ».
  • Créer un système universel d’assurancechômage pour les entrepreneurs, agriculteurs, indépendants, professions libérales et salariés démissionnaires (dans la limite d’une fois tous les cinq ans).

 

En matière d’emploi, l’objectif d’Emmanuel Macron est clair : créer une « société du travail ». Fermement opposé au revenu universel, l’ex-ministre de l’Économie, qui a fait de l’emploi le coeur de son projet, prévoit de ramener le chômage à 7 % d’ici 2022, soit 900 000 chômeurs de moins en cinq ans. « Je souhaite réformer en profondeur le marché du travail et la formation professionnelle », martèlet- il à longueur de meetings. Faisant allégeance au progrès, l’homme s’est plusieurs fois déclaré en faveur de la « création et de l’innovation », même si cela entraîne la disparition de certains emplois. Un « phénomène inhérent à la vie économique », selon lui. « Il faudra que des emplois disparaissent, comme les chandeliers, les porteurs d’eau ou les carrossiers ont disparu », estime-t-il. Une mesure qui l’oppose frontalement à son adversaire de gauche, Benoît Hamon, qui préconise de son côté une « taxe robot ». Le candidat d’En marche ! souhaite également encourager l’emploi dans les quartiers populaires via une prime de 15 000 euros (étalée sur trois ans) pour toute entreprise qui embauchera en CDI un habitant issu des zones « prioritaires ». Un dispositif qu’avait testé François Hollande avant de l’abandonner.

 


Sécurité

 

  • Créer 10 000 postes de policiers et gendarmes.
  • Établir un état-major centralisé du renseignement rapportant directement au Conseil de défense auprès du président de la République.
  • Mettre en place des centres pénitentiaires ad hoc pour les « foreign fighters ».

 

C’est un programme bel et bien de droite et de gauche que préconise Emmanuel Macron en matière de sécurité. Et pour cause : à l’instar de Marine Le Pen, le candidat d’En marche ! revendique « la tolérance zéro à l’égard de la délinquance ». Il est pourtant opposé à la déchéance de nationalité et à « toute mesure symbolique qui diviserait le pays ». Sur le plan pénal, il propose de réviser largement la qualification des infractions et l’échelle des peines.

 

 

Moralisation de la vie publique

 

  • Interdire aux parlementaires d’exercer des activités de conseil.
  • Fiscaliser l’intégralité de la rémunération des parlementaires.
  • Interdire aux parlementaires d’employer des proches ou des membres de leur famille.

 

La promesse d’une loi de moralisation de la vie publique était l’une des conditions imposées par François Bayrou pour s’allier à Emmanuel Macron. Une mesure devenue prioritaire pour le candidat d’En marche !. « Je suis contre la trêve judiciaire car nous avons besoin d’un État de droit qui fonctionne en permanence, et pas par intermittence », estime-t-il, non sans une référence évidente à François Fillon.

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