Faire l'objet d'une enquête n’est jamais une partie de plaisir pour les entreprises. Mais avec une autorité qui a affirmé sa force de frappe sous la présidence de Bruno Lasserre, recevoir la visite du gendarme de la concurrence fait partie d’un processus de contrôle intégré. Et les juristes y sont de mieux en mieux préparés.

En mars 2017, le couperet tombe : l’Autorité de la concurrence condamne SFR à verser une amende de quarante millions d’euros, considérant que SFR n'avait pas respecté ses engagements sur le développement de la fibre optique lors de son rachat par Numericable en 2014. Quelques mois plus tôt, c’est l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui avait déclaré l’OPE d’Altice sur SFR « non conforme » à cause d’un manque de transparence. Sur le même dossier, l’Autorité de la concurrence a sanctionné Altice à une amende de 80 millions d’euros pour avoir organisé le rachat de SFR et de Virgin Mobile sans son aval.

 

« Un traumatisme »

Ces exemples au cœur de l’actualité illustrent bien la présence et la forte implication des autorités de régulation dans la vie économique des sociétés françaises. Une implication qui a donné lieu à une véritable professionnalisation des juristes d’entreprise sur ce sujet. « Il est important de se préparer car lorsque a lieu une enquête, c’est un traumatisme », observe Blanca-Cecilia Tapias-Rivière, executive general counsel de GE Corporate. Les acteurs du secteur sont unanimes : les messageries électroniques sont au cœur des risques. Mais il n’est pas toujours aisé de contenir l’ensemble des salariés, notamment dans les dossiers de concentration. « Il est très difficile pour les équipes de respecter certaines instructions », note Caroline Le Masne de Chermont, directeur juridique monde chez Vivendi. Comme par exemple de ne pas avoir de contacts avec l’acquéreur, qui est aussi…leur futur employeur. « Nous expliquons aux équipes que tout ce qui est écrit sera traçable », ajoute Arnaud Pavec, general counsel EMEA pour Gemalto, et notamment les échanges réalisés par l’intermédiaire de messageries instantanées, très populaires en entreprise. « Tout est conservé et tout peut être saisi », tranche-t-il.

 

« Nous limitons les e-mails quand nous souhaitons passer des messages sensibles »

Pêche au gros

Effectivement, si l’Autorité de la concurrence est restreinte dans son action, la Commission européenne, elle, peut tout prendre. Pour éviter que l’enquête ne se transforme en véritable pêche au gros, former les salariés est essentiel. Certains cabinets d’avocats se sont déjà emparés du sujet, comme Fidal, qui a mis au point une application mobile rappelant les choses à faire ou ne pas faire en cas d’enquête. Les personnes en charge de l’accueil sont les premières concernées, mais la direction doit aussi être alertée sur les risques encourus : « Il faut régulièrement leur rappeler ce qu’ils peuvent ou ne peuvent pas écrire, confirme Caroline Le Masne de Chermont. Nous limitons les e-mails quand nous souhaitons passer des messages sensibles. »

 

« Créer une boîte mail séparée »

Ces missions de prévention s’apparentent toutefois à un véritable exercice d’équilibriste pour les juristes, leurs échanges avec la direction n’étant pas protégés par le legal privilege – contrairement à leurs confrères anglo-saxons. Ils doivent donc appliquer ces mesures de prévention à leurs propres correspondances avec la direction, les échanges avec un avocat externe étant les seules à bénéficier du secret professionnel. Et même ces dernières doivent être traitées avec attention. « Si une information échangée avec un avocat externe circule dans la société, elle perd son privilège », explique Blanca-Cecilia Tapias-Rivière. Montrer un e-mail ou l’imprimer est donc la seule solution permettant de transmettre à la direction une information échangée avec un avocat. Pour éviter que ces informations ne soient saisies en cas d’enquête, le minimum est d’indiquer la nature confidentielle du message dans l’objet. Certaines entreprises vont encore plus loin, comme Gemalto. « Nous incitons nos juristes à créer une boîte mail séparée pour les correspondances avocats-clients, explique Arnaud Pavec. Car si les e-mails sont tous dans la même messagerie, rien n’empêche la Commission de saisir l’ensemble. » Une préconisation pleine de bon sens qui est pourtant loin d’être la norme dans les services juridiques français.

 

Propos recueillis par Camille Prigent lors du Sommet du management du droit, qui s’est tenu à Paris le 16 mars 2017.

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