Le monde de l’asset management n’échappe pas au défi de la transition énergétique. À l’image d’OFI AM, les sociétés de gestion sont de plus en plus nombreuses à s’investir sur le sujet. Une dynamique favorisée par la loi sur la transition énergétique.

Décideurs. Quels ont été les principaux apports de la loi sur la transition énergétique de 2015 ?

Éric Van La Beck. Cette loi est l’organisation par la puissance publique d’un mouvement qui a été lancé par des initiatives privées et les Nations unies. L’avancée la plus célèbre est l’œuvre du Montréal Carbon Pledge. Un engagement ratifié par de nombreux investisseurs qui se sont engagés à mesurer et à réduire leur empreinte carbone. Dans la loi sur la transition énergétique ce n’est pas tant l’obligation de faire qui est importante mais la manière dont elle invite les investisseurs à s’intéresser à ces problématiques. Elle laisse le soin aux acteurs de choisir les mesures qui leur paraissent les plus pertinentes. Et cela fonctionne. Un grand nombre d’investisseurs institutionnels qui n’avaient jamais approché une question d’ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) ont été obligés de s’y pencher.

 

De plus en plus de sociétés de gestion évaluent l’empreinte carbone de leur OPCVM. Cette démarche va-t-elle dans le bon sens ?

L’empreinte carbone est une première étape. C’est une démarche intéressante mais qui présente toutefois certaines limites. Le diable se niche dans les détails. Son calcul soulève deux interrogations concernant, d’une part, les données utilisées et, d’autre part, la méthodologie appliquée. Prenons l’exemple du calcul de l’intensité carbone (C02/chiffre d’affaires) dans le secteur de l’automobile : il est probable que BMW ait une meilleure empreinte carbone que Fiat car la marge générée sur les véhicules vendus est plus importante.

 

Il est donc à votre sens nécessaire de prendre du recul sur l’évaluation de l’empreinte carbone ?

Effectivement. Et ce d’autant plus que cette démarche peut conduire les investisseurs à sélectionner les émetteurs les moins intensifs en carbone. Or, ceux-ci se concentrent sur des secteurs bien définis que sont ceux du pétrole, de la construction ou des transports. Mais est-ce que cela correspond à la réalité économique ? Notre société peut-elle fonctionner si on n’utilise plus de pétrole ou de ciment ? Il ne faut pas confondre le moyen et le but. L’empreinte carbone est un but. Or, en suivant le raisonnement de certains, elle devient un moyen. Certains émetteurs bien que très intensifs concernant la production de carbone n’en demeurent pas moins des acteurs majeurs de la transition énergétique.

Un kilomètre de route solaire construit avec des cellules photovoltaïques par Colas pourrait permettre de produire l’énergie suffisante pour alimenter une ville de 5 000 habitants.

 

À quelle entreprise pensez-vous ?

Le cas de Colas est assez parlant. La société du secteur du BTP vient d’inaugurer le premier kilomètre de route solaire construit avec des cellules photovoltaïques. En pratique, 1 km de route solaire permettrait de produire l’énergie suffisante pour alimenter une ville de 5 000 habitants. Si le développement de cette innovation est mené à son terme, cette entreprise deviendra un des acteurs importants de la transition énergétique.

Par ailleurs, The Carbon Disclosure Project publie des études par secteur d’activité. S’agissant des acteurs pétroliers et gaziers, l’ONG de référence en matière de lutte contre le changement climatique montre que toutes les entreprises ne doivent pas être logées à la même enseigne. Le groupe français Total a par exemple entamé un virage stratégique vers le gaz naturel, une énergie fossile deux fois mois émettrice de CO2 que le pétrole et quatre fois moins que le charbon. La société s’investit également dans les énergies renouvelables et le stockage d’énergie comme le montre le rachat de Saft.

 

Les principales critiques sont souvent tournées vers les compagnies pétrolières. Sont-elles justifiées ?

Par le passé ces critiques ont pu être justifiées. Des entreprises pétrolières ont, en effet, financé des études scientifiques pour nier la réalité du changement climatique. Aujourd’hui elles ne sont plus sur la même ligne. L’étude publiée par The Carbon Disclosure Project met notamment en avant les stratégies développées dans le cadre de la transition énergétique par State Oil Group, Total ou ENI. Cette dernière a tout de même inscrit dans son plan stratégique 1,5 milliards d’euros de dépenses sur les énergies renouvelables. A contrario, certaines firmes comme Exxon Mobil et Chevron sont encore, aux yeux de l’ONG, très en retard.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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