À l'heure du renouveau du capital-investissement français, Fanny Letier revient sur son rôle au sein de la banque publique d’investissement. Elle détaille les embuches rencontrées sur le chemin de la croissance et les joies d’accompagner des entreprises sorties de difficultés.

Décideurs. Quelle est votre activité au sein de Bpifrance ?

 

Fanny Letier. Ma mission est double et illustre l’ADN de coach-investisseur de Bpifrance. Je suis à la tête de la direction « Fonds propres PME » qui intervient en qualité d’investisseur minoritaire auprès des petites et moyennes entreprises. Je développe également l’activité « Accompagnement » de Bpifrance qui se traduit notamment par la mise en place d’accélérateurs à destination des start-up, des PME et des ETI. Ces programmes de deux ans bénéficient à des promotions composées de soixante PME, quarante start-up et vingt-cinq ETI. L’objectif est simple : les aider à accélérer leur trajectoire de croissance et doubler leur chiffre d’affaires durant cette période. Une PME doit ainsi devenir une ETI et une ETI se muer en un champion mondial.

 

Décideurs. Comment accompagnez-vous les sociétés membres de vos accélérateurs ?

 

Nous structurons nos programmes d’accompagnement autour de trois axes. Le premier, le « diagnostic 360 », vise à établir une vision à 360° de l’entreprise pour établir ses forces mais aussi identifier ses faiblesses. Le deuxième axe « conseil » active les leviers de croissance grâce à la mise en place de modules spécifiques et d’un mentorat individuel avec un dirigeant ayant fait l’expérience des mêmes problématiques. Le dernier pilier, la « mise en relation », permet aux entrepreneurs de se tisser un réseau solide et de partager leur expérience et leurs bonnes pratiques avec d’autres entreprises performantes. Dernier élément transverse, l’accélérateur veut démontrer aux entreprises que l’international est un levier de croissance qui fait la différence.

 

Grandir suppose pour une société de se dépersonnaliser 

 

Décideurs. Quels sont les freins rencontrés par les entreprises membres des accélérateurs ?

 

Qu’il s’agisse d’une PME ou d’une ETI, les freins sont globalement les mêmes. Le premier concerne le mode de gouvernance de la société. Grandir suppose de se dépersonnaliser. Cela implique pour le fondateur de s’entourer d’une équipe de direction compétente sur laquelle il pourra s’appuyer pour faire activer à plein les leviers de croissance. Le second concerne la capacité des entreprises à attirer de nouveaux talents. C’est la raison pour laquelle nous travaillons sur leur visibilité, l’expression de l’identité et de la vision de l’entreprise est un facteur d’attractivité.  Des mécanismes d’intéressements innovants en sont un autre. Finalement, le dernier frein concerne la vente. La France est une nation innovante, elle compte aussi de nombreux investisseurs. La vente demeure son talon d’Achille. Pour y remédier, de nombreux chantiers se présentent : le design, le time-to-market, l’innovation, mais aussi la digitalisation qui permet de mieux comprendre les attentes des clients en matière de produits comme d’expérience.

 

Décideurs. Avez-vous eu l’occasion d’intégrer au sein des accélérateurs des entreprises ayant déjà fait l’objet d’un traitement par le Ciri ?

 

Certaines entreprises ont effectivement connu des phases de turbulences, notamment durant la période 2009-2012. Elles ont réussi à en sortir en s’internationalisant (c’est-à-dire en diminuant leur dépendance avec des donneurs d’ordre français), en gagnant en compétitivité, en renouant avec les investissements et l’innovation. Ces entreprises ne regardent pas dans le rétroviseur, elles veulent construire l’avenir. Elles ont tiré les enseignements de la crise. De la même manière, mon action chez Bpifrance a pu s’inspirer par les enseignements de mon passage au Ciri, notamment sur l’importance de l’anticipation et de la prise de recul stratégique. Notre action a pour leitmotiv la croissance. Elle suppose de travailler sur les fragilités propres à chaque entreprise. Il faut s’attacher à renforcer la compétitivité hors coût. Concrètement, il s’agit de préparer la transmission des entreprises, d’investir et d’optimiser l’appareil productif, de gérer la trésorerie et surtout de créer du lien humain entre le bas de l’échelle et l’équipe dirigeante dans l’objectif de diffuser la stratégie, de partager les périodes fastes tout en se serrant les coudes durant les périodes difficiles. 

 

Propos recueillis par Alexis Valero & Pierre Bouchoux-Vedel

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