Décidé à mener campagne jusqu’au bout, le candidat de la droite, toujours englué dans le « Penelopegate », peut-il créer la surprise et se qualifier pour le second tour ? Il devra pour cela miser entièrement sur son programme économique.

Un naufrage. C’est ainsi que l’on pourrait qualifier la campagne de François Fillon. L’homme avait pourtant tout pour lui?: un programme jugé «?cohérent?» par les économistes, une autorité naturelle, une réputation de «?bon père de famille?» sérieux et respectable… Une image partie en fumée en l’espace d’une journée seulement. Comme s’il avait perdu tous ses repères depuis les révélations du Canard enchaîné, le champion de la primaire multiplie les erreurs de communication. Si bien qu’aux yeux d’une partie des Français, l’homme est devenu l’incarnation des politiques véreux, malhonnêtes, et déconnectés de la réalité.

 

Jusqu’au bout

 

La justice, en se saisissant si rapidement de l’affaire, cherche-t-elle à l’accabler?? Est-il soumis à un traitement plus sévère que n’importe quel autre justiciable?? Peut-être. Le doute bénéficie toujours à l’accusé. Quoi qu’il en soit, en se positionnant comme la victime d’une injustice criante, alors qu’il appartient depuis des décennies à une élite ultraprivilégiée et qu’aucun élément ne semble confirmer que sa femme ait effectivement travaillé pour lui, l’ex-Premier ministre s’enfonce et plombe la droite par la même occasion. Mais rien ne l’arrêtera. Peu importe qu’il ait promis de se retirer en cas de mise en examen, peu importe que ses soutiens le lâchent un à un. «?Je suis un combattant?», assure-t-il à l’occasion du rassemblement du Trocadéro le 5 mars.

 

Un programme abouti

 

Si tous les sondages le donnent perdant dès le premier tour, François Fillon est néanmoins bel et bien toujours en course. La preuve?: ses meetings réunissent des dizaines de milliers de Français décidés à le soutenir lui et son projet. Car il le sait, son programme, «?l’un des meilleurs qu’ait connus la Ve République?», selon l’économiste Jean-Marc Daniel, est aujourd’hui sa carte maîtresse. Difficile d’ailleurs d’en ignorer le caractère abouti. «?Depuis trois ans, il rencontre les Français, il écoute, s’intéresse?», rappelle Pierre Danon, chef d’entreprise et l’un des principaux artisans de la campagne du candidat LR. Pour passer l’étape du premier tour et doubler Emmanuel Macron, le Sarthois devra donc miser sur son programme, le seul moyen de faire oublier les accusations qui pèsent sur lui. Une mission qui s’annonce bien délicate.

 

Capucine Coquand

@CapucineCoquand

 

                                  Le programme 

 

Économie

 

  • Baisser les charges patronales à hauteur de 40 milliards d’euros.
  • Réaliser 100 milliards d’euros d’économie sur les dépenses publiques en cinq ans.
  • Réduire le poids du secteur public en augmentant le temps de travail dans la fonction publique de 35 à 39 heures (un gain de temps de travail d’environ 10 % soit l’équivalent de 500 000 postes).
  • Supprimer les multiples taxes qui pèsent sur la masse salariale.
  • Reculer l’âge de la retraite à 65 ans et unifier tous les régimes.
  • Aligner le régime fiscal des commerçants et artisans sur celui des auto-entrepreneurs.
  • Supprimer l’ISF « pour aider au financement des entreprises ».
  • Passer le taux supérieur de TVA de 20 % à 22 %.

 

« Penser que nous pouvons continuer sans réforme profonde relève de l’illusion la plus complète », martèle le candidat de la droite depuis des mois. Son objectif : sortir la France du marasme financier et lui redonner de l’agilité et de la puissance. Faut-il y voir une purge économique ? Difficile à dire… Seule certitude : François Fillon promet une rupture libérale. « Son programme est cohérent, estime l’économiste Jean-Marc Daniel. Mais le problème c’est qu’il s’est construit en fonction des besoins des employeurs. Or, un employeur n’est pas un observateur économique, il est observateur de sa propre entreprise. » Une ambition économique qui n’a pas manqué de faire réagir les autres candidats. Tandis qu’Emmanuel Macron parle d’un programme « peu crédible » et « injuste », Benoît Hamon y voit, de son côté, un projet « extrêmement dangereux », qui entraînerait un « chaos social ». Des propos auxquels Français Fillon a répondu sévèrement : « Ils sont aveuglés par la mauvaise foi et l’idéologie, ou empêtrés dans leur propre manque de volontarisme ».

 

 

Emploi

 

  • Refonder et simplifier le code du travail en distinguant clairement les normes sociales fondamentales et ce qui relève de l’accord collectif (en priorité d’entreprise ou, à défaut, de branche).
  • Mettre fin aux 35 heures et laisser chaque entreprise décider de son temps de travail par la négociation et la signature d’accords collectifs.
  • Plafonner les indemnités de licenciement et clarifier les règles du licenciement économique.

 

En matière de travail, l’objectif de François Fillon est clair. « Je propose un choc puissant pour le plein-emploi », explique-t-il dans une interview accordée aux Échos. Objectif : arriver en fin de quinquennat à un taux de chômage inférieur à 7 %. Comment ? En assouplissant et simplifiant le droit du travail pour encourager l’embauche. Pour cela, l’élu de Paris prévoit la création d’un code du travail de 150 pages (au lieu des 34 000 actuelles), réduit aux normes sociales fondamentales. L’ex-Premier ministre compte également refonder le contrat de travail, en instituant « des modalités de ruptures prédéfinies et progressives ». Un dispositif permettant notamment aux PME qui « respirent en fonction de leurs commandes, de faire face aux turbulences de leur marché ». Dans cette même logique, François Fillon prévoit de plafonner les indemnités prud’homales pour « sécuriser le licenciement ». Une mesure que préconise également le candidat d’En marche !. Quant au licenciement pour motif économique, François Fillon prévoit qu’il puisse « s’adapter en permanence ». Une « réorganisation » de l’entreprise pourrait par ailleurs donner lieu à un licenciement collectif décidé par l’employeur sans justification économique.

 

 

Sécurité

 

  • Investir 12 milliards d’euros dans la sécurité, la défense et la justice, notamment avec la création de 16 000 places de prison.
  • Renforcer les moyens humains (300 postes) et le budget de fonctionnement de la Justice à raison d’une augmentation de 1,5 milliard d’euros d’ici la fin du quinquennat.
  • Interdire, après déchéance de nationalité, le retour sur le territoire national des Français partis combattre à l’étranger. · Abaisser la majorité pénale à 16 ans.

 

C’est très certainement en matière de sécurité que les programmes de François Fillon et d’Emmanuel Macron se distinguent le plus. « Je souhaite mettre fin au laxisme en matière de sécurité et d’autorité, expliquait le candidat LR lors d’une conférence de presse le 13 mars. L’ordre, le respect de la loi sont des valeurs sociales, des valeurs de la République que j’ai l’intention de réhabiliter sans avoir à m’en excuser. » Comme Nicolas Sarkozy en 2006, puis plus récemment lors de la primaire de la droite, François Fillon souhaite abaisser la majorité pénale à 16 ans. « Si les nouveaux délinquants mineurs se conduisent comme des adultes délinquants, il convient de les traiter comme tels », argumente-t-il, avouant néanmoins avoir longtemps hésité sur cette mesure qu’il juge aujourd’hui indispensable compte tenu de la montée de la violence des mineurs.

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