Soutien inoxydable des entrepreneurs, François Fillon souligne la nécessité pour le pays de « libérer les initiatives et rétablir l'équité entre chacun ». Au cours de cette interview, le candidat à la primaire de la droite en vue de la présidentielle de 2017 expose également sa vision du capital-investissement et le rôle que doivent tenir les fonds de private equity dans notre économie.

Décideurs. Quelles sont vos principales propositions en faveur des entreprises ?

François Fillon. Il faut libérer le marché du travail, baisser les charges des entreprises et supprimer le maximum de contraintes inutiles. Pour libérer le marché du travail, je propose de supprimer les 35 heures, d’autoriser le licenciement pour réorganisation économique, d’instaurer un nouveau CDI avec des modalités de rupture prédéfinies, pour que les recruteurs sachent à l’avance ce que leur coûterait une rupture, et de renforcer l’utilisation des prestataires extérieurs, via un statut des indépendants qui empêcherait la requalification en salaire. Je propose une baisse massive des charges sociales de 50 milliards d’euros. Cette mesure est nécessaire pour rendre les entreprises françaises à nouveau compétitives. Enfin, il faut laisser les entrepreneurs prendre des initiatives sans les assommer de contraintes.

 

Décideurs. Quel rôle doivent tenir les fonds de capital-investissement (fonds de capital-innovation, de capital-développement et de capital-transmission) ?

F. F. Le rôle des fonds de capital-investissement est tout d’abord de financer l’économie en prenant des risques que les banques et autres financeurs ne sont pas prêts à prendre. Mais, au-delà de ce rôle de financeur, j’attends du capital-investissement un vrai accompagnement dans la durée des entreprises françaises. Ils doivent être des stimulateurs pour nos PME et ETI en les encourageant à grandir, se digitaliser et s’internationaliser. Ils doivent les soutenir en investissant durablement des ressources dans les entreprises. Je pense aussi aux fonds lancés par les entrepreneurs qui choisissent ainsi de réinvestir leurs plus-values dans l’économie française et faire profiter de leur expérience d’autres chefs d’entreprise. Ces fonds sont utiles à l’économie et il faut les encourager.

 

Décideurs. Quelles mesures comptez-vous mettre en place pour favoriser le développement des entreprises innovantes ?

F. F. Les Anglais bénéficient du mécanisme de l’Enterprise Investment Scheme, qui leur permet de défiscaliser une partie de leur investissement dans les PME et ETI. Je veux que les français aient le même outil pour financer le développement des entreprises. Ils pourront réduire l’IR (ou l’impôt sur les plus-values si l’investisseur n’est pas assujetti à l’IR) de 30 % du montant investi dans une PME avec un plafond d’investissement maximum annuel fixé à un million d’euros par personne. Le problème de la France n’est pas tellement la création d’entreprises innovantes mais leur développement. Il faut aussi encourager toutes les structures qui sont là pour aider l’entrepreneur à chaque fois qu’il rencontre un problème nouveau. Ce sont ces structures qui permettent de pérenniser la création.

 

Décideurs. Quelles sont vos propositions pour soutenir le développement des start-up ?

F. F. Le besoin de financement est particulièrement criant pour l’amorçage des entreprises. Le seuil minimum d’intervention des sociétés professionnelles privées d’investissement en capital est de plus en plus élevé et se situe autour de 1,5 à 2 millions d’euros. Il en découle un « equity gap » : la jeune entreprise de croissance peine à réunir les fonds qui financeront ses premières années. Ma proposition précédente résoudra déjà une partie du problème, mais pour aller plus loin, je souhaite également multiplier les fonds privés d’amorçage, labélisés par la BPI et abondés par l’État.

Enfin, il faut développer l’intéressement au capital des salariés. Les PME peinent à attirer les diplômés et les talents, ne pouvant leur offrir ni la formation, ni la rémunération, ni la carte de visite d’un grand groupe, et présentant un profil de risque plus élevé. Les dispositions existantes (même si elles ont été assouplies pour l’attribution d’actions gratuites) restent trop contraignantes et le risque de requalification d’une attribution d’actions en « salaire déguisé » dans le calcul des charges salariales et patronales fait souvent renoncer l’entrepreneur à mettre en place un tel dispositif. Je propose donc que l’intéressement au capital des salariés se fasse sans risque de requalification et avec exemption de charges sociales.

 

Décideurs. Le soutien des fonds d’investissement et des entreprises aux projets financés par le secteur public doit-il etre amené à se développer ?

F. F. La BPI joue déjà un rôle positif dans le financement de l’économie, qu’il va falloir poursuivre. Il faut toutefois s’assurer que le soutien public ne devienne pas prééminent, voire dominant. On doit rester dans une logique d’un financement privé de l’économie, qui soit rationnel et optimisé. La BPI peut soutenir, co-investir et abonder les fonds privés.

 

Décideurs. Pour rediriger l’épargne des salariés vers le financement des entreprises, beaucoup évoquent l'idée de créer un fonds de pension à la française. L’idée vous paraît-elle interessante ?

F. F. L’idée d’un fonds de pension à la française est une bonne idée. Aujourd’hui, le financement de l’économie dépend beaucoup des fonds de pension américains et anglais. Les banques et assurances françaises investissent timidement en capital dans les entreprises et sont contraintes par les normes Bâle II et Solvency II.

 

Décideurs. Les pouvoirs publics doivent-ils soutenir l’émergence du crowdfunding ?

F. F. Les activités de financement participatif sont en plein essor, notamment parce qu’elles comblent des lacunes du marché du financement et qu’elles trouvent un écho auprès des épargnants qui veulent s’investir plus directement dans l’économie. Les TPE, les commerçants, les entreprises innovantes peuvent trouver des financements avantageux et rapides auprès des particuliers, en passant par ces plates-formes. Ma proposition est d’amorcer la pompe du financement participatif en demandant à la BPI d’injecter des liquidités dans les projets participatifs pour montrer l’exemple et communiquer sur le sérieux des plates-formes et des projets.

 

Aurélien Florin

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