François Hollande relance l'idée d'un gouvernement de la zone euro. Un projet qui se heurte à chaque fois à bien des résistances.
L’idée de la création d’un gouvernement de la zone euro vient de ressurgir. À l’occasion de son discours du 14 juillet, François Hollande a annoncé qu’il prendrait une initiative pour qu’y émerge une gouvernance économique.

« Constituer une avant-garde »

Quelques jours plus tard, le président de la République précisait son propos : « J’ai proposé de reprendre l’idée de Jacques Delors et d’y ajouter un budget spécifique ainsi qu’un Parlement pour en assurer le contrôle démocratique. » Pour l’instant, aucun détail sur l’organisation et le fonctionnement de cette nouvelle gouvernance ni sur le calendrier de son instauration ne sont connus. Il s’agit plus d’une « organisation renforcée avec les pays qui en décideront, une avant-garde », explique le Président, sous forme de déclaration d’intentions. Un gouvernement de la zone euro pourrait pallier l’affaiblissement des institutions communautaires et les difficultés des vingt-huit gouvernements à s’accorder. « Ce qui nous menace, ce n’est pas l’excès d’Europe mais son insuffisance », tranche François Hollande. Visiblement favorable à l’idée, Manuel Valls a indiqué que cette gouvernance pourrait être constituée des fondateurs de l’UE : France, Allemagne, Italie et Benelux.

Des précédents avortés

Naturellement, les eurosceptiques se sont opposés au projet, FN et NPA en tête. Au sein des Républicains, François Fillon a jugé « d’un intérêt mineur » cette proposition et Jean-Pierre Raffarin l’a écartée en précisant qu’elle « était refusée par [les] partenaires [de la France] ». Interrogé sur le sujet, Nicolas Sarkozy juge l’initiative insuffisante et tardive. « Il faut profiter de la gravité de la crise pour modifier en profondeur le fonctionnement de la zone euro et préparer les crises qui s’annoncent », a-t-il fait valoir. Le chef de l’opposition défend « un leadership franco-allemand à la tête de l’Eurogroupe », estimant qu’un Parlement de plus n’était pas nécessaire. Pourtant, en 2008, c’est bien lui qui appelait de ses vœux la création d’un « gouvernement économique » dans la zone euro, en relation étroite avec la Banque centrale européenne. Face aux doutes de José Manuel Barroso, président de la Commission européenne à l’époque, le projet fut abandonné mais pas enterré. Trois ans plus tard, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel s’accordaient pour proposer la création d’un « véritable gouvernement de la zone euro », avec le président de l’UE à sa tête. Une fois encore, l’idée n’a pas abouti.

Aucun consensus en vue

Thierry Chopin, politologue membre de la fondation Robert-Schumann, expliquait sur France Info que la création d’un gouvernement économique européen est un serpent de mer qui remonte au moins à François Mitterrand. L’une des raisons qui explique l’échec de sa mise en œuvre réside dans la variété des définitions que chacun des dix-neuf États de la zone donnent à ce concept. « Traditionnellement, il y a une grande divergence entre la France et l’Allemagne sur ce que pourrait signifier un gouvernement économique de la zone euro », explique le spécialiste. Alors que la France prône une Europe plus politique en renforçant l’échelon intergouvernemental, outre-Rhin, on plaide pour une consolidation réglementaire.

Même au sein de la gauche, il n’existe pas de consensus sur le sujet. Le Parti radical de gauche, membre de la coalition gouvernementale, se félicite que François Hollande ait repris « un projet défendu avec ténacité par Jean-Michel Baylet ». Dominique Strauss-Kahn, qui vient de signer son retour médiatique, a fait part de ses doutes quant à l’efficacité d’un gouvernement économique restreint de la zone euro ; et ce, avant même que François Hollande ne remette l’idée à l’ordre du jour. « Une alliance de quelques pays européens, même emmenée par le plus puissant d’entre eux, sera peu capable d’affronter seule la pression russe et sera vassalisée par notre allié et ami américain […] », explique, presque sibyllin, l’ancien directeur du FMI.

Le débat ne fait que commencer…

S. V.

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