INFLUENCEUR. Homme d’action et de convictions, Haïba Ouaissi croit aux utopies appelées à devenir des « vérités anticipées », à la justice et à l’égalité des chances. Pas celle qui vient agrémenter les discours de campagne ; celle qui se gagne sur le terrain, dans les tribunaux du bout du monde aussi bien qu’au sein des sphères de pouvoir françaises. Rencontre avec un idéaliste militant ; infatigable acteur de l’ombre et dynamiteur de schémas établis.

En matière de justice comme du reste, Haïba Ouaissi ne croit pas en la vertu de l’attente. Il croit en celle de l’action. Dans ces engagements de terrain qui permettent de bousculer les certitudes et de forcer les portes ; celles des consciences comme celles des prisons. Ce à quoi il s’emploie depuis que, à son statut d’avocat associé chez Cassius Partners il a ajouté, il y a des années déjà, celui de membre actif d’Avocats sans frontières – une ONG qui œuvre dans le monde entier pour le respect des droits de l’homme – et, en janvier dernier, celui de président du Club XXI? siècle, un think tank qui milite pour l’égalité des chances dans toutes les sphères de la société. Deux terrains d’action complémentaires pour un même engagement en faveur de la justice et du droit de chacun à être reconnu en fonction de son mérite « et non de ses origines ethniques, son statut social ou ses orientations sexuelles ». Autant de critères de sélection inavoués et encore dominants qui, selon lui, exigent autre chose qu’une indignation de bon ton.

 

INTER Forcer les portes

 

« Le bien penser, le bien dire », Haïba Ouaissi le laisse à d’autres : aux politiques de métier et aux théoriciens du réel qui parlent vision à long terme et réflexion identitaire. Lui se situe ailleurs. Dans l’action concrète et les propositions à effet immédiat. Dans un sentiment d’urgence et une dynamique « de mission à accomplir » qui, plusieurs fois par an, le poussent à quitter son cabinet de la rue du 4-Septembre pour des pays tels que le Nigeria, le Mali ou la Colombie. Des États où, une fois sur place, il troque son étiquette d’avocat en droit du travail pour celle de pénaliste spécialisé dans les droits de l’homme pour assurer bénévolement la défense de victimes – « essentiellement des femmes et des mineurs » - d’emprisonnement arbitraire. À chaque intervention, le schéma se répète, efficace.  «On paye les cautions pour les sortir de prison, on étudie leur dossier à Paris et on les fait acquitter dans leur pays », résume Haïba Ouaissi qui évoque le Nigeria, où il a récemment fait libérer des femmes emprisonnées pour « suspicion d’adultère ». Et lorsque le poids de la diplomatie française ne suffit pas à desserrer les écrous politiques et pénitentiaires, il n’hésite pas à attaquer l’État lui-même. « Il y a quelque temps, nous avons ainsi fait condamner le Nigeria pour traitement inhumain et dégradant et obtenu que toute personne arrêtée ait droit à un avocat dès sa première heure de garde à vue. » Autre avancée concrète à son actif : avoir pu former des avocats nigérians aux conventions internationales et emmené l’État à réformer l’intégralité de son système judiciaire. Des victoires qui, reconnaît-il, lui donnent « un certain recul » sur ses dossiers parisiens et renforcent sa volonté de s’attaquer à l’ordre établi dès lors que celui-ci – au sein des conseils d’administration, dans les rangs des politiques ou sur les plateaux télé – va à l’encontre des principes de méritocratie portés par le Club XXI? siècle.

 

INTER Ouvrir les consciences

 

« Nous ne sommes pas des utopistes ; nous sommes des idéalistes, résume Haïba Ouaissi. Et l’idéal que nous défendons est celui de l’égalité des chances. » Une autre forme de justice rendue, cette fois, à une partie de la population française trop souvent maintenue hors des sphères du pouvoir pour cause de profil non conforme. Pas assez blanc, pas assez Sciences-Po-l’ENA, pas assez masculin même parfois. De quoi entretenir non seulement une situation d’iniquité mais aussi, une réelle déperdition de valeur à L4échelle nationale. Raison pour laquelle le Club XXI? siècle se bat. « Pour rendre la diversité plus visible en incitant les décideurs de tous bords à sortir de certains schémas mentaux, résume son président ; et ce faisant, emmener la France à tirer profit de talents sous-exploités ».

 

Pour y parvenir, ni colloques ni chartes éthiques mais du concret : des actions de mentoring, d’abord - dispensées à des talents de tous horizons –, des propositions de mesures concrètes en faveur de la diversité, ensuite, adressées aux candidats à la présidentielle, des outils opérationnels, enfin, fournis aux dirigeants d’entreprise et personnalités du monde des médias pour les inciter à décloisonner leurs univers. Parmi ces outils : deux annuaires. Le premier répertoriant les professionnels « hors profil type » susceptibles de rejoindre les comités d’administration de grandes entreprises, le second regroupant, par domaine d’expertise, les personnalités trop rarement sollicitées par les médias pour cause de non-conformité aux standards tacitement respectés. Objectif : dynamiter, partout où ils perdurent, « les schémas de réussite excluants. » Et pour Haïba Ouaissi, il y a urgence. « Le temps n’est plus à la conformité, assène-t-il. Il est à l’audace ; celle de dire et d’agir ». Celle d’entrer en résistance et de réveiller les consciences.

 

Caroline Castets

@CaroCastets1

 

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