Invité d'honneur des Mardis Raise, le futur ex-CEO de l'assureur tricolore s'est confié avant son départ en septembre. Les sujets abordés allant du management à l'augmentation d'échelle des activités en passant par l'arrivée de son successeur à la tête du groupe, Thomas Buberl.

« Il n'y a jamais de risques à encourager un collaborateur à laisser prospérer ses qualités, même en dehors de l'entreprise, et le meilleur exemple est celui de mon successeur, Thomas Buberl », entame Henri de Castries, P-DG d'Axa, l'un des leaders mondiaux de l'assurance avec plus de 1 000 milliards d'euros d'actifs sous gestion. Leur première rencontre remonte à l'époque où Axa prend le contrôle du premier assureur suisse, Winterthur, en 2006. L'Allemand Thomas Buberl, alors âgé d'une trentaine d'années, est déjà identifié comme un asset « formidable » par le patron de l'assureur français. Problème : la concurrence partage cette opinion ! Le groupe Zurich lui propose rapidement le poste de responsable de l'ensemble de ses activités en Suisse. Impossible pour Henri de Castries de s'aligner sur l'offre. Ainsi, il lui recommande d'accepter la position rivale, de s'aguerrir, et idéalement, de revenir le jour où les temps seront plus favorables de l'autre côté des Alpes... Ce qui pouvait être considéré comme une prise de risque par certains – celle de voir un fort potentiel s'échapper – a finalement porté ses fruits. Quelques années plus tard, c'est avec l'expérience d'un dirigeant régional que Thomas Buberl prend les rênes d'Axa Allemagne, « sans que personne ne questionne sa légitimité, car le sujet n'a jamais été de faire toute sa carrière dans une même entreprise », affirme Henri de Castries.

 

Cette lucidité d'esprit, animée par une volonté de tirer le meilleur d'une situation pour chaque partie, et contrainte par la nécessité de prendre des décisions, est labellisée chez Axa : la « démocrature ». Néologisme assumé, ce terme renvoie aux notions de démocratie dans la discussion et de dictature dans la décision. Les sujets stratégiques sont autant discutés qu'ils sont finalement décidés de manière irrévocable. Quitte à ce qu'ils s'ajoutent à la « longue liste d'erreurs » que l'actuel P-DG reconnaît avoir commise ! S'il apprécie les contradictions que ses collaborateurs peuvent lui opposer, l'énarque estime qu'il est rarement simple, aux plus hautes strates de la vie d'une firme, de les identifier. À cet endroit, sa position n'a rien à envier à celle du rôle-titre de The Mentalist : il faut débusquer « les signaux faibles et les silences » ou « lire le langage du corps et entendre ce que les managers ne disent pas », explique l'intéressé.

 

Concernant les problématiques de changement d'échelle (Axa est passé de 5 milliards d'euros à 100 milliards d'euros de revenus depuis son arrivée), là encore l'heure est à l'ouverture, la compréhension et l'exécution. Pour Henri de Castries, le statut de firme globale en croissance n'est en rien une protection. Au contraire, c'est une « vulnérabilité ». Les dirigeants, même les meilleurs, commencent à acquérir des « réflexes féodaux et c'est pour cela qu'il faut les sortir de leur zone de confort », poursuit-il. Par conséquent, que les résultats soient bons ou non, le patron a systématiquement modifié l'organisation d'Axa de façon à placer ses senior managers dans une logique d'entrepreneurs. Son passé de chef de peloton parachutiste l'a aussi poussé à maintenir cette gestion récurrente des équipes. Lorsque l'on saute de nuit sur des terres inconnues, chaque équipier « doit exactement savoir ce qu'il aura à faire, quand bien même ses lignes de reporting ou ses réseaux habituels auraient disparu ».

 

Pas un seul instant nous ne doutons qu'Henri de Castries saura s'appliquer à lui-même, cette logique de prévoyance qui guidera ses pas en dehors des sentiers bien battus à la tête d'Axa durant plus de quinze ans.

 

Firmin Sylla

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