Après avoir manqué la primaire des Républicains faute de parrainages, le député des Yvelines fait dorénavant cavalier seul dans la course à l’Élysée. Tirant à boulets rouges sur le programme « anxiogène » de François Fillon, l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy milite pour la relance de l’investissement public.

Décideurs. Vous semblez très remonté contre François Fillon. Que lui reprochez-vous ?

Henri Guaino. Je n’ai rien contre l’homme, mais le programme qu’il porte est intenable. Faire croire aux Français qu’ils vivent trop bien depuis quarante ans et que la seule façon de sortir de la crise est de leur imposer des sacrifices est économiquement absurde et moralement inacceptable. De même il est profondément nocif de vouloir opposer ceux qui ont un emploi  — les salariés en CDI, les entrepreneurs… — à ceux qui n’en ont pas. Ce petit jeu nous conduira à la division et à l’affrontement. Pour relever les défis du monde actuel, nous avons besoin de cohésion. François Fillon veut « casser la baraque », moi je crois que la baraque est suffisamment cassée et qu’il s’agit aujourd’hui de la reconstruire.

 

Aucun ralliement ne sera donc envisageable…

S’il change de programme, alors nous verrons.

 

Quels sont justement les points clés du vôtre ?

Je crois que la France doit avant toute chose rattraper son retard en matière d’investissement. Emprunter pour investir est économiquement rationnel. Surtout lorsque l’épargne mondiale est sur abondante.

 

« Emprunter pour investir est économiquement rationnel » 

Malgré la dette…

On fait fausse route en considérant que le déficit et la dette sont des priorités absolues. À forced’essayer de réparer les erreurs du passé, on sacrifie l’avenir. Il faut changer de méthode, arrêter de rationner la dépense publique pour la rationaliser, faire une analyse économique, différencier les dépenses de consommation et d’investissement. L’OCDE, le FMI et même le G20, à l’exception de l’Allemagne, s’accordent à dire qu’il faut relancer l’investissement public. Mener une politique d’austérité pour rembourser une dette que nous ne rembourserons de toute façon jamais est absurde. Il serait par ailleurs temps de savoir si les économies que nous prétendons faire rapportent effectivement plus qu’elles ne coutent. L’arrêt du service militaire, par exemple, a généré des économies immédiates parfaitement mesurables. Mais on a tendance à oublier toutes les « deséconomies »  que cela a entrainé et les coûts en termes de cohésion sociale parce qu’ils sont répartis dans les comptes d’une multitude d’agents économiques.

 

Quels sont, selon-vous, les investissements prioritaires ?

Au niveau des infrastructures, nous avons un retard considérable. Certaines comme sont très dégradées, c’est le cas du réseau ferré francilien. Nous devons également investir dans des entreprises stratégiques. Il serait, par exemple, peut-être temps de renationaliser EDF. Nous devrions aussi  - c’était l’idée du Grand emprunt durant le quinquennat précédent - co-investir aux côtés des entrepreneurs. L’État ne peut pas seul bâtir les grands projets de l’avenir.

 

« Il n’est pas raisonnable de vouloir remplacer le code du travail par un code ultra simplifié et limite aux grands principes » 

Proposez-vous, comme d’autres candidats, de simplifier le droit du travail ?

Oui. Il n’est en revanche pas raisonnable de vouloir remplacer le code du travail par un code ultra simplifié et limite aux grands principes. Cela reviendrait à abandonner le droit du travail aux aléas de la jurisprudence. Nous devons trouver un compromis entre cette solution extrême et la situation actuelle. Les protections offertes aujourd’hui par le droit du travail pénalisent trop les entrepreneurs et ne permettent pas de rétablir l’équilibre entre le chef d’entreprise et le salarie. Il faut néanmoins suffisamment de protection pour que les Français ne vivent ni dans l’angoisse permanente de tout perdre ni sous le régime du chantage. Je pense que nous avons surtout besoin d’une réflexion globale, sérieuse et approfondie sur toutes ces questions.

  

Vous avez écrit plusieurs livres à tendance philosophique, notamment La sottise des modernes (1). Vous considérez-vous comme un philosophe ?

Je n’ai pas cette prétention, même si l’histoire des idées me passionne. J’essaye d’expliquer qu’il n’y a pas de faits sans interprétation des faits ni représentation.

 

Vos ouvrages sont parfois difficiles d’accès. N’avez-vous pas, en tant que personne publique, le devoir de rendre votre message accessible à tous ?

La sottise des modernes, comme d’autres de mes ouvrages ne sont pas des tracts politiques. Ils sont destinés à faire partager ma réflexion en amont de la politique et du discours. Dans la période que nous traversons, nous ne pouvons plus faire l’économie d’une réflexion sur des problèmes intellectuels aussi importants et compliqués que celui des représentations. Si l’on n’est pas capable de penser ces questions, alors ce n’est pas la peine de vouloir faire bouger les choses. Il faut en finir avec la politique des slogans.

 

Propos recueillis par Capucine Coquand

@CapucineCoquand

 

(1) La sottise des modernes, Nouvelle édition, juin 2016. Edition Plon, 300 pages, 19,90 euros.

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail