Les États-Unis ont leur propre modèle de justice. Intransigeante dans la protection de la vie privée, négociée avec le deal de justice, elle est pour l'instant la grande absente dans l’affaire des Panama Papers. Trois situations, trois explications.

Liberté de la presse, liberté d’entreprendre, vie privée et secret professionnel… Que deviennent ces droits aux États-Unis une fois dans le sillage de la justice ?

                                        

L’affaire Hulk Hogan

La justice américaine n’hésite plus à sanctionner lourdement la presse à scandale. Le magazine people Gawker a été condamné à payer 115 millions de dollars à Hulk Hogan pour avoir diffusé une vidéo de ses ébats sexuels. Une décision plutôt généreuse puisque le catcheur avait initialement réclamé quinze millions de moins. Gawker a invoqué la liberté de la presse mais l’argument selon lequel le célèbre catcher aurait renoncé à sa vie privée en parlant ouvertement de sa sexualité en public n’a pas été retenu. Quelques 55 millions de dollars lui ont été octroyés pour réparation financière et 60 millions pour compensation de sa détresse émotionnelle. S’ajouteront bientôt à cela les dommages-intérêts. Bien que considéré comme une personne publique, le sulfureux Hulk Hogan a fait jouer son droit à la vie privée. 

 

Le deal de justice

Tous les moyens sont bons pour faire respecter le droit. Afin de faire plier les multinationales, les États-Unis utilisent parfois les deals de justice. Cette procédure consiste à offrir à une entreprise soupçonnée d’irrégularités financières la possibilité de coopérer. Les poursuites sont abandonnées contre le paiement d’une amende. En cas de refus, l’accès au marché américain peut lui être interdit. Ni plus ni moins. Et ce, peu importe la nationalité de la société. La sévérité de la sanction outrepasse toute liberté d’entreprendre mais elle semble fonctionner. Non seulement le système paie mais en plus il rapporte. JP Morgan a par exemple accepté de verser 13,6 milliards pour la vente de subprimes toxiques et HSBC 1,9 milliard pour violation de sanctions économiques. En dépit des critiques dont il fait l’objet, le deal de justice est un moyen de faire face à des sociétés mondialisées parfois intouchables en utilisant leurs propres armes : la menace économique. Voilà qui pourrait augmenter le budget de la justice en France. Mais l’idée ne semble pas séduire l’Hexagone pour le moment. Dans un avis du 30 mars, le Conseil d’État vient de retoquer les dispositions de la loi Sapin II relative à la transaction pénale.

 

Panama Papers

Depuis les révélations du journal allemand Süddeutsche Zeitung, en France et partout dans le monde, des noms tombent. Jour après jour, la liste des hommes de pouvoir impliqués s’allonge. Des dirigeants politiques de l'Arabie saoudite, d'Argentine, d'Islande, d'Ukraine et des Émirats arabes unis ont été impliqués dans le scandale de fraude fiscale. Et toujours très peu d'éclaboussures du côté des États-Unis, hormis les comptes d'Hillary Clinton de Donald Trump dans le Delaware ces derniers jours. Plusieurs thèses ont été développées sur le sujet. La Russie prétend que la CIA a orchestré le scandale pour la déstabiliser. Plus pragmatiques, d’autres précisent que les Américains ont des paradis fiscaux anglophones de proximité comme l’État du Delaware ou les Îles Vierges britanniques. L’hypothèse d’une censure de la presse américaine est survolée alors que la période des élections présidentielles bat son plein. Et aucune sanction n’est évoquée. Afin de combler ce silence assourdissant, Barack Obama se fâche et menace de réformer le paradis fiscal du Delaware. S’en va-t-il en guerre contre l’optimisation fiscale ? La frontière entre optimisation, évasion et fraude fiscale est ténue. Les avocats fiscalistes n’hésitent pas à conseiller des montages et l’ouverture d’un compte offshore n’est pas un délit. En revanche, son absence de déclaration est une fraude. Et les États-Unis sont déjà dotés d’un panel de puissantes sanctions en la matière.

 

Estelle Mastinu

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