La loi « Justice du XXIe siècle » (loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016) fixe désormais des mesures spécifiques à l’action de groupe en cas de discrimination dans les relations de travail relevant du code du travail (article 87). Ce nouveau dispositif est d’application immédiate...

Cette nouvelle disposition légale peut-elle créer pour les entreprises une inflation des contentieux de masse de la discrimination au travail jusqu’à présent essentiellement limité à un regroupement de contentieux individuels devant le juge prud’homal ?

 

Cette action de groupe pourra être exercée devant le juge judiciaire dès lors que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprises ou plusieurs salariés font l’objet d’une discrimination, directe ou indirecte fondé sur un des motifs prévus par l’article L1132-1 du Code du travail et imputable au même employeur.

 

En conséquence, si le motif discriminatoire doit être identique (lié au sexe, à l’appartenance syndicale, à l’état de santé..) pour le groupe identifié, l’expression de la discrimination peut prendre une forme individuelle et/ou collective au sein d’une même action judiciaire.

 

Les titulaires de l’action de groupe

 

Le législateur a entendu réserver l’engagement de ce type d’action exclusivement :

 

  • Aux organisations syndicales de salariés représentatives au niveau interprofessionnel, au niveau de la branche, au niveau de l’entreprise ou de l’établissement concerné,

 

  • Aux associations régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap mais uniquement pour les discriminations dans l’accès à un emploi ou à un stage en entreprise.

 

Il est probable que les premières actions soient initiées par des organisations syndicales déjà largement sensibilisées sur le terrain de la discrimination et intervenant régulièrement dans le cadre du contentieux prud’homal aux côtés des salariés concernés en matière de discrimination syndicale. Très clairement, le législateur a entendu leur donner un quasi-monopole pour ce nouveau type d’action.

 

Une obligation de mise en demeure préalable à l’action judiciaire

 

Pour que l’action judiciaire soit recevable, l’employeur devra avoir été mis en demeure de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée.

Cette mise en demeure (qui peut se manifester par tout moyen permettant de lui conférer une date certaine) déclenche une obligation pour l’employeur dans un délai d’un mois d’en informer le comité d’entreprise ou, à défaut les délégués du personnel ainsi que les organisations syndicales représentatives.

A la demande de l’une ou l’autre des  instances représentatives du personnel informées, l’employeur engage alors « une discussion » sur les mesures permettant de faire cesser la situation discriminatoire qui lui a été dénoncée.

 

Si l’objectif de ce dispositif est de tenter de trouver une issue non-contentieuse à cette discrimination collective, on peut rester interrogatif sur le formalisme qu’il conviendra d’appliquer à cette discussion : réunion commune du comité d’entreprise (ou des délégués du personnel) et des organisations syndicales, établissement d’un ordre du jour, conclusion d’un accord ou établissement d’un constat de désaccord…..

 

Au demeurant, il semble que l’employeur qui considère que la situation discriminatoire n’existe pas a la possibilité de se limiter à son obligation d’information des instances représentatives du personnel et notifier une décision de rejet de la demande de discussion qui lui est présentée.

 

En effet, l’article 1134-9 du Code du travail indique que l’action de groupe peut être introduite devant le juge judiciaire dans un délai de 6 mois à compter de la demande tendant à faire cesser la discrimination ou à compter de la notification par l’employeur du rejet de la demande.

 

Ce délai s’explique lui aussi par la volonté de privilégier une issue amiable déterminée de manière concertée au sein de l’entreprise face aux situations de discrimination collective. Toutefois, il apparait comme particulièrement long dans l’hypothèse où aucune période de « discussion » ne serait ouverte.

 

Le rôle du juge judiciaire

 

Le tribunal de grande instance va être saisi de demandes alternatives ou cumulatives visant soit à faire cesser les manquements constatés au sein de l’entreprise soit à engager la responsabilité de l’employeur afin d’obtenir la réparation des préjudices subis.

 

Si une demande en ce sens lui a été présentée, le juge peut donc enjoindre à l’employeur de faire cesser le ou les manquements constatés ayant une origine discriminatoire dans un délai qu’il fixe et y compris sous astreinte. La loi accorde au juge une grande liberté dans les mesures qu’il peut identifier comme devant être mises en œuvre par l’employeur pour faire cesser la situation discriminatoire.

 

Il s’agit très certainement du type d’action qui devrait s’avérer le plus efficace pour lutter contre les discriminations au regard des conséquences concrètes de telles mesures au sein de l’entreprise.

 

Le volet indemnitaire s’avère beaucoup plus complexe et limité. Il pourrait donc être un frein au développement de ce contentieux en matière de discrimination au travail :

 

  • Dans une première phase, le juge doit statuer sur la responsabilité de l’employeur puis définir le groupe concerné et donc les critères de rattachement à ce groupe. Il détermine la nature des préjudices réparables (y compris le préjudice moral) sachant qu’il peut  y avoir une individualisation en fonction des catégories de personnes appartenant au groupe défini. Enfin, il fixe le délai pendant lequel il sera possible pour d’autres victimes répondant aux critères définis pour le groupe d’y adhérer en vue d’obtenir réparation de leur préjudice.

 

Afin de donner une réelle efficacité à sa décision, le juge prévoit également les mesures de publicité qui devront être respectées afin que les personnes potentiellement concernées et donc pouvant constituer un groupe soient informées.

 

  • La deuxième période qui s’ouvre est alors celle durant laquelle les victimes pourront adresser une demande de réparation de leurs préjudices soit directement à l’employeur soit par l’intermédiaire des demandeurs à l’action judiciaire (organisations syndicales ou associations).

 

Dans l’hypothèse où l’employeur ne ferait pas droit à ces demandes de réparation, le tribunal de grande instance serait alors saisi en réparation des préjudices subis dans le cadre d’une procédure individuelle de réparation.

 

Or, ce volet indemnitaire reste limité (sauf pour les actions concernant les candidats à un emploi ou uns stage ou à une période de formation) aux préjudices nés après réception de la demande mentionnée à l’article L 1134-9 du Code du travail c’est-à-dire la mise en demeure préalable adressée à l’employeur.

 

En conséquence, l’indemnisation de l’intégralité des préjudices à compter du constat de la discrimination subi par le salarié nécessitera obligatoirement d’introduire une instance prud’homale.

 

Par Alexandra Lorber Lance

Avocat associé, Capstan Avocats

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