La première édition du baromètre Blockchain montre un engouement certain pour cette solution. Mickaël Réault, fondateur et dirigeant de Sindup, et Stéphane Bellec (agence Fargo) nous expliquent les raisons d’un tel succès.

Décideurs. Quel est l’objet de ce baromètre (1) ?

 

Mickael Réault. L’idée est de faire un travail de pédagogie auprès des décideurs et du grand public. La blockchain est une technologie pointue et complexe. C’est davantage de l’ordre de l’infrastructure, il est donc plus difficile pour un dirigeant de saisir directement l’intérêt de cette technologie. D’où notre volonté de la vulgariser. L’objet de ce baromètre n’est pas uniquement qu’une question de technicité mais avant tout d’usage.

 

Quels sont les secteurs qui ont le plus développé la blockchain ?

 

Stéphane Bellec. L’assurance et la banque sont en tête, suivies par le juridique, la santé et l’énergie. Ces marchés ont en commun d’être assujettis au besoin d’enregistrer et de consigner des informations sensibles. Dans la mesure où la blockchain incarne ce que l’on appelle la « confiance partagée », l’énergie pourrait s’apparenter au secteur bancaire avec de la transaction et du transfert. Tandis que la santé pourrait avoir une approche similaire à l’assurance. C’est un secteur confronté à des problématiques similaires : la gestion des données patients pour l’un et celles des assurés pour l’autre. Selon moi, la santé sera amenée à dépasser l’univers de l’assurance. Si on fait un parallèle avec le dossier médical patient initié en 2005 (justement interrompu pour des questions de protection des données et toujours en réflexion), l’objectif était de réunir au sein d’un même organe toutes les informations de santé. Avec la blockchain, il est possible d’imaginer qu’à terme, ces données soient accessibles par un assureur en cas d’accident mais toujours avec l’agrément de l’assuré et de façon sécurisée. Mais cela risque de prendre du temps. Un consensus avec de nombreux acteurs publics sera nécessaire. D’énormes enjeux politiques et de citoyenneté sont effectivement à prendre en compte. Il faut compter une bonne dizaine d’années avant de voir arriver quelque chose d’abouti et surtout de généralisé.

 

Les start-up françaises sont-elles performantes en technologie blockchain ?

 

S.B. Deux d’entre elles se distinguent tout particulièrement, Stratumn et Utocat. Ces start-up travaillent sur des projets d’intégration de la blockchain notamment dans les univers de la banque et de l’assurance. La France n’est pas donc pas en retard dans ces domaines, mais on ne peut pas en dire autant des autres secteurs. Outre-Atlantique, nos collègues américains ont un peu plus d’avance sur les projets de partage qu’il s’agissent d’énergie ou de connaissance. Les Allemands de leur côté multiplient les tests relatifs au vote électronique.

 

Quels sont les pays les plus performants sur ces thématiques ?

 

M.R. L’attention était focalisée surtout sur la veille francophone. Après, en dehors du cadre du baromètre, on constate que les États-Unis ont massivement investi dans les infrastructures. En effet, en raison des enjeux de gouvernance autour de la blockchain, les Américains se sont fortement positionnés. Si l’on devait constituer un palmarès, on verrait les grands blocs géopolitiques représentés car c’est là que se trouvent les enjeux.

 

« Si l’on devait constituer un palmarès, on verrait les grands blocs géopolitiques représentés car c’est là que se trouvent les enjeux »

 

Quel est le profil des start-up spécialisées en blockchain ?

 

S.B. Il faut faire la distinction entre les sociétés voulant faire évoluer le domaine de la finance et celles qui ont vocation à bouleverser l’univers social. Les premières vont mettre au point des blockchain pour permettre à une banque comme JP Morgan de faire des transactions financières de manière fluide pour être en avance. Dans ce cas, ces sociétés vont rejoindre les consortiums « R3 » ou « Ethereum Alliance ». Tandis que les secondes vont se servir de la blockchain pour, par exemple, gérer l’énergie photovoltaïque ou instaurer le vote électronique au profit des citoyens. Au milieu, vous avez des start-up qui essaient, par le biais de la recherche, de développer des technologies dans des domaines variés.

 

Quels sont les réflexes à avoir pour mettre en place une solution blockchain ?

 

S.B. Il est essentiel d’être en présence d’informations confidentielles. La blockchain est un investissement lourd. L’intérêt, au travers de cette solution, est d’apporter une valeur ajoutée pour les entreprises pour qui la sécurisation des données est une priorité.

 

Pour information, la blockchain ne sera considérée comme un usage légal dans le secteur de la finance qu’à partir de décembre 2017. Les consultations ont eu lieu il y a quelques mois. À partir de janvier 2018, la blockchain devrait être perçue comme un gage de sécurité et de qualité. 

 

« L’intérêt, au travers de cette solution, est d’apporter une valeur ajoutée pour les entreprises dans la sécurisation de leurs données »

 

Quels sont les principaux inconvénients de la blockchain ?  

 

S.B. Cela ne tourne pas aussi rapidement qu’on le voudrait. Si les transactions bancaires des distributeurs automatiques étaient réalisées dans la blockchain, il faudrait attendre plusieurs minutes avant de voir sa demande validée. Les micro-processeurs que nous utilisons ne sont pas encore suffisamment puissant, polluent et demeurent pour l’heure beaucoup trop encombrants. Nous sommes astreints au rythme de l’évolution technologique et à la loi de Moore.  

(1) Baromètre réalisé par l'éditeur de solutions de veille et d'investigation numérique Sindup, qui s'appuie sur l’expérience de l’agence de communication Fargo,  avec chaque trimestre un panorama des tendances d’un secteur en pleine mutation. 

Propos recueillis par Gatien Pierre-Charles et Vincent Paes

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