Michel Chabanel nous donne son point de vue sur la baisse attendue des performances : « Il est normal que les tris s’ajustent dans un environnement marqué par des taux bas. La faiblesse de ces taux, les montants payés par les industriels font logiquement monter les multiples d’acquisition et descendre le rendement final. Il n’y a rien d’anormal dans tout cela mais le capital-investissement continuera d’attirer des investisseurs institutionnels satisfaits des surperformances régulières, y compris en période de crise. »

Décideurs. Votre mandat de deux ans touche à sa fin. Avez-vous atteint vos objectifs ?
Michel Chabanel
. Poursuivant les efforts de mes prédécesseurs, je me suis efforcé tout au long de mes deux années de mandat de président de l’Afic de promouvoir notre profession, notre classe d’actifs auprès des pouvoirs politiques, du tissu économique, des institutionnels, des épargnants. Au nombre de mes chantiers figurait en bonne place une volonté forte de continuer à dédiaboliser notre métier, de faire comprendre son intérêt pour notre économie. Nous sommes sur la bonne voie et je m’en félicite. Tout d’abord auprès des politiques, quel que soit leur bord, qui comprennent mieux notre action, notre soutien aux entreprises porteuses de création d’emplois et de croissance. Solution qui, au-delà des seules start-up, concerne aussi et principalement des PME et des ETI. Mes efforts vont par ailleurs envers les entrepreneurs. Par-delà le cercle d’entreprises déjà familiarisées avec notre profession, le rôle de l’Afic est d’aller au-devant de ceux qui nous connaissent moins bien pour leur démontrer l’intérêt de compter sur un investisseur partenaire. Car si nous apportons des fonds propres aux entreprises, nous les aidons aussi à se structurer, à croître, à s’ouvrir à l’international. La réalité est bien loin de celle caricaturale et fausse de dépeceur d’entreprise.

 

"Nous réfléchissons à la mise en place d'un cadre de médiation au sein de l'association"

 

Décideurs. Vous avez largement contribué à la mise en place de la société de libre partenariat (SLP). L’appui du gouvernement était-il évident ?
M. C
. L’écoute était réelle ; les discussions particulièrement constructives. Cela faisait plusieurs années que nous avions la volonté de doter la France d’un véhicule adapté pour les investisseurs internationaux. Le FCPR ou le FPCI sont des véhicules efficaces mais confrontés à une forte concurrence internationale, du fait notamment de la directive AIFM qui permet de gérer des fonds délocalisés. La concurrence avec le Luxembourg s’est rapidement accentuée et nous avions constaté la création en très peu de temps de plus de 150 SCS (Société en commandite simplifiée). Il devenait urgent de réagir et des discussions ont débuté à Bercy dès le mois d’août 2014. Le soutien de l’Élysée s’est ensuite confirmé et la Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances (Loi Macron) votée courant juillet 2015 portait ce nouveau véhicule sur les fonts baptismaux.

 

"Le capital-investissement intéresse de plus en plus de clients des banques privées"

 

Décideurs. Cela permettra-t-il de faire revenir les LPs étrangers en France ?
M. C
. Nous disposons avec la SLP d’un véhicule moderne, aligné sur les meilleurs standards internationaux, répondant aux attentes des investisseurs étrangers. Le marché hexagonal du capital-investissement est le premier en Europe continentale. Notre tissu économique est particulièrement favorable à notre profession et nous avons un fort potentiel quand nous nous comparons au Royaume-Uni qui compte moins d’entreprises que la France mais lève deux fois plus que fonds qu’ici. Nos performances, nos entreprises, la qualité de nos équipes, un environnement réglementaire plus favorable doivent permettre de renforcer les investissements étrangers en France qui représentent déjà près de 40 % des fonds que nous levons. La présence de capitaux étrangers est une nécessité dans un pays qui ne dispose pas de fonds de pension comme la France et donc souffre d’un nombre insuffisant d’investisseurs de long terme.

 

Décideurs. L’association s’est par ailleurs renforcée à cette fin…
M. C
. En effet. Nous avons mis en place en 2015 un « Club LPs » à l’initiative de notre commission relations investisseurs. Celui-ci sert tout à la fois de lieu d’échanges, d’observatoire, d’espace de veille réglementaire. Il nous permet de mieux comprendre les contraintes de nos propres investisseurs, en matière de durée d’investissement, de qualité ou de contenus des reportings et nos pratiques. Ce club est utile pour améliorer nos pratiques et l’attractivité de notre classe d’actifs auprès des investisseurs français et étrangers.

 

Décideurs. Et les assureurs ?
M. C
. Le fait d’avoir descendu la charge en capital imposée par le ratio Solvency 2 de 49 % à 39 %, au même niveau que les actions cotées, est un réel facteur d’amélioration qui encourage les investisseurs institutionnels à accroître leurs allocations en capital-investissement. Cela faisait plusieurs années que nous militions en ce sens et nous nous réjouissons que les sociétés d’assurance soient revenues à hauteur de 1,6 milliard d’euros d’engagements en 2015, soit 16 % du total des fonds levés. Afin d’aller encore au-delà, nous souhaiterions que le capital-investissement soit aussi éligible aux fonds UC d’assurance vie. Nous espérions que les « contrats croissance » seraient aussi un moyen d’orienter plus l’épargne vers le capital-investissement, malheureusement du fait des taux bas ils se sont peu développés. Or, nous constatons que le non-coté intéresse de plus en plus les clients des banques privées. Le private equity offre en effet des rendements très intéressants, avec une volatilité et un risque bien inférieurs aux autres classes d’actifs, c’est pourquoi il faut absolument faciliter l’orientation de l’épargne vers le capital investissement qui, en plus, participe activement au développement des entreprises françaises.

 

Décideurs. L’absence de communication autour des décisions de la commission déontologie est parfois décriée. L’association pourrait-elle revenir sur ce point et les rendre publiques ?
M. C
. L’objectif de cette commission est d’assurer que le code de déontologie de la profession soit respecté, pas de faire de la communication. La transparence pourrait décourager certains membres ou entrepreneurs à porter leur cas devant cette commission. Cependant, si les avertissements ne le sont pas, les décisions d’exclusion sont-elles rendues publiques. Cela n’empêche pas ces sanctions d’avoir un impact réel car, lors des levées de nouveaux fonds, les sociétés de gestion doivent en informer leurs investisseurs. Il est évident que toute sanction aura un impact auprès des LPs. Cette commission s’adresse aussi aux managers qui peuvent la saisir, elle peut leur apporter des solutions dans des situations de conflit. C’est pourquoi nous avons souhaité aller encore plus loin et réfléchissons actuellement à la mise en place d’un cadre de médiation au sein de l’association.

 

"Les associations européennes vont mettre en commun leurs collectes de données"

 

Décideurs. Des discussions entre l’Afic et Bercy seraient en cours concernant un encadrement des management packages. Qu’en est-il ? Et pour l’actionnariat salarié ?
M.C
. Ces discussions sont encore en cours, à des degrés d’avancée divers. Concernant les managements packages, nous discutons avec elle pour établir « formellement » ce qui peut, ou ne peut pas se faire, en la matière et ainsi limiter l’inconfort lié à l’incertitude pour les managers. Entamés bien avant, nos efforts pour permettre aux salariés de bénéficier de la création de valeur d’une opération se heurtent à la complexité d’un PEE bloqué durant cinq ans. Cela ne lui permet pas de s’adapter à la durée réelle d’un investissement. Sans pour autant renoncer à une amélioration en la matière, nous n’avons pour l’instant que peu de répondant de la part des politiques.

 

Décideurs. La mobilisation contre AIFM a-t-elle renforcé les liens entre les associations européennes ?
M. C
. Il est important que la collaboration s’accentue entre les associations européennes, et avec Invest Europe. AIFM nous a démontré qu’il était important, voire vital, que nous échangions plus encore qu’auparavant sur nos bonnes pratiques. Le fruit de cette réflexion est notamment un nouveau projet de partage de nos informations dans une base de données commune, hébergée en Allemagne. Nous allons ainsi prochainement uniformiser nos collectes d’informations et améliorer la qualité de nos statistiques européennes. Cela servira tout autant à encourager les investisseurs internationaux à poursuivre leur soutien au capital- investissement européen qu’à démontrer l’intérêt économique et social de notre classe d’actifs.

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