Entretien avec Troy Abkarian, directeur, KLB Group
Pour rationaliser leurs services, les directions financières choisissent entre l’externalisation à des sociétés de Business Process Outsourcing (BPO) et la mise en œuvre de centres de service partagés (CSP) internes, souvent dits «?captifs?». Elles peuvent aussi adopter un modèle hybride, à mi-chemin entre ces deux solutions : l’insourcing sous gestion. Elles gardent la main sur leur CSP, mais avec plus de souplesse.

Décideurs. En quoi l’insourcing sous gestion constitue-t-il un nouveau modèle pour les services comptables et administratifs ?
Troy Abkarian. Les directions financières des grands groupes ont toutes lancé des programmes de transformation pour augmenter la productivité et la qualité de leurs services comptables et administratifs. Deux écoles se sont opposées. Les partisans de l’externalisation ont transféré la responsabilité de leurs processus à des sociétés de BPO (Business Process Outsourcing), y compris les systèmes d’information, et souvent les équipes opérationnelles. Les opposants à l’externalisation ont préféré créer des centres de services partagés regroupant les services anciennement éclatés sur différents sites et entités juridiques, et garder la main pour réaliser eux-mêmes les gains de productivité.
Même interne, une transformation ne se fait pas sans heurts. Les processus transférés, insuffisamment détaillés et précis, sont mal maîtrisés par les équipes mutualisées. Une part significative des équipes refuse de se relocaliser. La charge de travail est mal pilotée. L’utilisation de l’intérim renforce le turnover et la démotivation. Ces difficultés opérationnelles rendent l’amélioration des résultats du CSP hasardeuse.
C’est pourquoi les entreprises optent aujourd’hui pour un modèle hybride, à mi - chemin entre le CSP captif traditionnel totalement internalisé et le BPO. Le modèle hybride consiste à créer un CSP avec un partenaire opérationnel externe dont les équipes travaillent dans les locaux et sur les outils de l’entreprise. Cette approche ultra-souple permet de s’adapter aux changements d’organisation à court, moyen, et long terme.

Décideurs. Les problématiques de gestion de ressources humaines sont-elles mieux adressées avec l’insourcing sous gestion ?
T.?A. En faisant appel à un prestataire opérationnel externe, les groupes qui souhaitent mutualiser leur back-office comptable et administratif se laissent le temps de la réflexion. Ils bénéficient d’un service complet allant de la phase de recrutement à la prise en main des activités opérationnelles du CSP, en passant par la formation et le transfert de compétences. Ils peuvent anticiper et maîtriser les problématiques de ressources humaines pendant toute la durée de vie du projet.

Décideurs. Comment faire pour sécuriser le transfert de compétences ?
T.?A. L’une des phases les plus critiques dans ce type de projet est le transfert de compétences des sites et des filiales vers le central. Il est, d’une part, essentiel d’avoir des modes opératoires détaillés et, d’autre part, de bien appréhender les spécificités de chaque filiale. Cela permet d’avoir un départ lancé pour les équipes cibles externes dans le CSP. Cette phase nécessite la plus grande attention car ce type de projet a généralement des impacts sociaux importants.
Le recours à une société externe spécialiste des prestations de services comptables et administratives permet de sécuriser cette phase de transfert aussi bien au niveau technique que sur un plan humain.

Décideurs. Comment piloter une telle prestation ?
T.?A. Une fois les activités transférées au CSP, des points hebdomadaires et mensuels sont indispensables. Ils favorisent le bon déroulement des opérations et permettent d’avoir une visibilité sur les équipes externes. Ces points hebdomadaires et mensuels sont régis par un contrat de prestations de services entre le groupe et le prestataire externe (Service Level Agreement : SLA), et la mise en place d’indicateurs clés de performance (KPIs). L’entreprise et son prestataire externe ont ainsi une vision partagée de la feuille de route opérationnelle et du suivi de l’activité, en toute transparence.

Décideurs. En quoi ce modèle permet-il de s’adapter plus facilement aux évolutions potentielles de périmètre ?
T.?A. Le modèle hybride permet de faire évoluer facilement le périmètre du centre de services partagés, et de remonter la chaîne de valeur, notamment sur le flux procure to pay. La phase de «?réception?», véritable grain de sable lorsqu’elle est mal appréhendée, se trouve ainsi maîtrisée. Il permet aussi d’intégrer d’autres fonctions supports telles que les achats, les ressources humaines, et de mieux répondre aux évolutions d’organisation au sein du groupe : internalisation totale des fonctions en CSP, filialisation car la stratégie groupe évolue, cessions ou acquisitions de filiales, etc. Il favorise également l’élargissement du périmètre géographique du CSP.

Décideurs. Dans la durée, comment faire pour améliorer la qualité de la production comptable et administrative ?
T.?A. Le Lean Office est particulièrement efficace pour les CSP. Par exemple, les processus de comptabilité fournisseurs s’apparentent à des processus industriels de fabrication en série. Il est donc logique de s’inspirer du lean manufacturing pour améliorer ce genre de processus. Les résultats sont excellents. Ces méthodes, combinées au management visuel, permettent aussi de réduire considérablement les délais d’attente dans le processus de clôture des comptes. Tout gaspillage est identifié et éliminé.
Le Lean Office permet ainsi d’améliorer la qualité de l’activité comptable et d’atteindre les objectifs de productivité fixés en début de projet. En moyenne, nous constatons que le modèle hybride, associé au Lean Office, améliore le taux de satisfaction des clients internes de plus de 23?%.

Décideurs. L’insourcing sous gestion est-il le modèle d’avenir ?
T.?A. Associé au Lean Office, ce modèle hybride à mi-chemin entre les CSP internes captifs et le BPO monte en puissance et s’impose par sa flexibilité et sa performance. Forts de nos succès et de notre savoir-faire opérationnel, nous sommes déterminés à le promouvoir et à accompagner les directions financières dans son implémentation. En adoptant ce modèle, la fonction finance peut se concentrer sur ses contributions à haute valeur ajoutée, comme le reporting de gestion, le controlling, le pilotage de la performance, et étendre son périmètre d’activités. Notre ambition est de permettre à la fonction finance de devenir un business partner à très haute valeur ajoutée.

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