Si rien, pas même un taux d’abstention élevé, ne semble pouvoir empêcher Emmanuel Macron de l’emporter dimanche prochain, une faible participation pourrait renforcer durablement la légitimité politique du Front national.

Il sera l’un des acteurs principaux du second tour. Estimé entre 23 % et 28 % par les enquêtes d’opinion, le taux d’abstention s’annonce d’ores et déjà supérieur à celui du premier tour (22,23 %). Un chiffre qui n’aurait, a priori, rien d’exceptionnel et qui ne devrait pas dépasser le record de 2002 : l’abstention avait alors atteint 28,4 % au premier tour.    

 

Idée reçue

 

La situation reste néanmoins inédite. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, un grand nombre de Français refuse de « faire barrage » à l’extrême droite à l’occasion de l’élection présidentielle. Si au PS, le ralliement à Emmanuel Macron semble largement acquis, 39 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et 31 % des sympathisants de François Fillon ont de leur côté déclaré qu’ils ne voteraient pour aucun des deux candidats en lice pour le second tour. « Le front républicain est mort », estime Cédric Passard, maître de conférences à Sciences-Po Lille. Refuser de choisir entre l’un ou l’autre des candidats favorise-t-il indirectement la victoire du Front national ? Certainement pas. « L’idée que l’abstentionnisme revient à voter pour Marine Le Pen est une idée reçue », explique Cédric Passard. S’il est vrai qu’en 2002, le faible taux de participation avait permis à Jean-Marie Le Pen d’accéder au second tour, « il est tout à fait envisageable d’avoir à la fois une forte participation et un vote FN élevé », poursuit l’expert.

 

Peu importe les pourcentages

 

Et pourtant, s’abstenir dimanche prochain renforcerait inévitablement le poids politique de Marine Le Pen pour les années à venir. « L’enjeu du second tour n’est pas de savoir si Emmanuel Macron va gagner, mais comment il va gagner », estime Pierre Mathiot, professeur de sciences politiques à Sciences-Po Lille, pour qui la victoire d’Emmanuel Macron, crédité de vingt points d’écart avec son adversaire semble bel et bien acquise. Peu importe les pourcentages, seul comptera, in fine, le nombre de voix d’écart séparant les deux candidats. Plus Emmanuel Macron obtiendra de bulletins en sa faveur, plus forte sera sa crédibilité face à la montée des extrêmes. À l’inverse, plus l’écart entre les deux sera serré, et plus Marine Le Pen s’en servira pour asseoir sa légitimité en tant que chef de l’opposition. S’abstenir pourrait ainsi avoir des conséquences bien plus importantes pour l’avenir du pays que certains ne semblent l’imaginer. Une décision à prendre en conscience.


Capucine Coquand

@CapucineCoquand

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