En juin 2019, Sonepar a été la première entreprise à se présenter devant la commission des sanctions de l’Agence française anticorruption qui a finalement reconnue la société familiale conforme à la loi Sapin 2. Olivier Catherine, secrétaire général du groupe depuis mai 2018, revient sur cette expérience et livre ses premières impressions sur cette décision très attendue.

Décideurs. Vous êtes arrivé au sein de Sonepar en mai 2018, en pleine procédure de contrôle de l’Agence française anticorruption (AFA). Comment avez-vous appréhendé votre entrée en fonction ?

Olivier Catherine. Je suis arrivé chez Sonepar après le contrôle sur pièces et sur place de l’AFA, qui a eu lieu d’octobre à décembre 2017, mais avant l’émission du rapport initial de la mi-juillet 2018. L’entrée en matière a donc été intense, un vrai programme d’intégration accéléré ! Il n’y a rien de tel pour apprendre à connaître le management, l’organisation, la trajectoire et les procédures d’un groupe, y compris son programme de conformité. Je savais, avant de rejoindre la société, que Sonepar faisait l'objet d'un contrôle. Il s’agissait donc pour moi d’un vrai challenge.

J’avais confiance dans l’intégrité du groupe, du fait notamment de ses valeurs familiales et de « l’ADN » instillé par son président fondateur, M. Henri Coisne, ancien de la France libre et de l’Armée de l’Air, Commandeur de la Légion d’honneur et ancien juge au tribunal de commerce de Paris. Cette probité a été confirmée par la décision de la commission des sanctions de l’AFA. Lors de l’audience, le président de Sonepar, Marie-Christine Coisne-Roquette, avocat de formation, avait justement évoqué la force de la « loi morale » que son père avait instaurée lors de la création de l’entreprise. Elle l’a elle-même amplifiée et formalisée depuis lors.

J’ai donc rejoint une entreprise totalement insérée dans son environnement socio-économique, certes discrète car non cotée en Bourse, mais pas secrète. Le groupe fête ses 50 ans cette année et n’a connu aucune condamnation pour manquement à la probité, ni en France ni à l’étranger. C’est important de le souligner, d'autant plus que le groupe est très présent outre-Atlantique !

« En 50 ans d’existence, Sonepar n’a connu aucune condamnation pour manquement à la probité »

Quel a été votre sentiment lorsque vous avez appris que vous seriez la première entreprise à se présenter devant la commission des sanctions de l’AFA ?

Nous l’avions anticipé. Nous avons remarqué que de nombreuses informations et clarifications que nous avions apportées et documentées avaient été mal ou insuffisamment prises en compte. Être la première entreprise à se présenter devant la commission des sanctions n’était donc pas une surprise. Mais nous étions prêts à réexpliquer les mesures mises en place au sein de Sonepar ! Je rappelle que Sonepar estimait être en conformité avec la loi Sapin 2 au moment du contrôle de l’AFA, ce que la commission des sanctions n’a pas remis en cause dans sa décision.

L’audition s’est-elle déroulée comme vous l’aviez prévu ?

Nous n’avons pas eu de surprise concernant le format et le déroulé de l’audience. Nous nous attendions à une approche de type « droit public », comme cela se pratique devant les juridictions administratives. Nous étions conscients qu’il n’y aurait qu’assez peu de place pour les avocats et les arguments de droit et de procédure. Nous savions aussi que les membres de la commission des sanctions étaient attachés à comprendre le fond du dossier, d’autant plus que la compliance est une matière assez nouvelle en France.

Il est intéressant de noter que, durant l’audience, la majorité des questions de la commission fut adressée à l’AFA et non à l’entreprise. Nous avons constaté que la commission voulait comprendre le programme anticorruption de Sonepar, mais également la teneur du travail fourni par l’équipe de contrôle et les fondements des allégations du directeur de l’AFA. C’est une très bonne nouvelle pour les entreprises françaises puisqu’il y a eu une vraie approche contradictoire, les membres de la commission conduisant l’audience à charge et à décharge. Ils ont voulu appréhender l’identité, l’organisation et l’environnement du groupe Sonepar, d’où il venait et sa trajectoire, au-delà des seuls procédures et dispositifs. Un programme de conformité doit être analysé de façon dynamique et non selon une logique figée. La démarche de la commission est donc très positive et représente probablement l’un des principaux apports de cette première audience pour toutes les entreprises françaises concernées par la loi Sapin 2.

« Les membres de la commission des sanctions ont une expérience et une expertise indéniable »

La décision a-t-elle été vécue comme un soulagement ou vous attendiez-vous à être « blanchi » ?

Nous étions sereins sur le fond, quant aux réalisations du groupe en matière de prévention de la corruption. Nous avions également confiance en la commission des sanctions. Ses membres ont une expérience et une expertise indéniables, qui leur permet de faire la part des choses, ce que l’on ne peut que saluer.

Nous sommes également fiers de cette décision par rapport aux équipes qui ont travaillé durement pour déployer le programme de conformité du groupe et tout au long de la procédure de contrôle. Il ne faut pas oublier que, derrière les documents, il y a des êtres humains qui travaillent sans relâche pour mettre en œuvre des dispositifs de prévention dans un groupe de près de 23 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 46 000 collaborateurs aux quatre coins du globe. Au 25 juin 2019, jour de l’audience, l’équipe projet avait consacré environ 10 000 heures de travail à la procédure de contrôle diligentée par l’AFA…

La compliance, c’est avant tout agir sur la culture de l’entreprise. Il faut appliquer de manière intelligente et intelligible les programmes anticorruption, en ayant toujours à l’esprit la motivation et l’engagement des équipes. Le travail de prévention de la corruption doit être mis en valeur. À ce titre, une lecture attentive de la décision révèle que la commission n’indique à aucun moment qu’il y a eu le moindre manquement à l’article 17 de la loi Sapin 2 de la part de Sonepar, ni au jour de l’audience, ni précédemment. La commission a au contraire souligné que la cartographie des risques de corruption avait été lancée dès le mois de décembre 2016, soit six mois avant l’entrée en vigueur de l’article 17 et un an avant le contrôle de l’AFA !

« Derrière les documents, il y a des êtres humains qui travaillent sans relâche pour mettre en œuvre des dispositifs de prévention »

Que retirez-vous de cette expérience ?

Nous sommes avant tout fiers d’être la première société à voir son dispositif de prévention de la corruption et du trafic d’influence pleinement validé au plus haut niveau institutionnel en France. Nous avons reçu de nombreux messages de félicitations aussi bien en interne que de l’extérieur, de la part de fournisseurs, d’assureurs, d’associations professionnelles, de grandes entreprises, etc. Cette décision est au final très bénéfique pour Sonepar.

« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » dit Jean de La Fontaine dans sa fable Le Lion et le Rat. C’est finalement une bonne traduction de cette expérience. Cela montre que la résilience, le travail accompli et l’énergie déployée ont porté leurs fruits. Nous avons fourni un travail considérable et inlassable de recherche, de pédagogie, d’explication et de démonstration. Je salue notamment tous les collaborateurs et conseils du groupe qui se sont pleinement investis jusqu’à l’audience !

« La compliance est avant tout agir sur la culture de l’entreprise »

Comptez-vous faire un retour d’expérience sur cette longue procédure lancée par l’AFA ?

Bien sûr ! Cela correspond à la philosophie de Sonepar, telle qu’illustrée par notre choix d’une audience publique. Nous n’avons rien à cacher ! Étant très imprégnés dans le tissu économique hexagonal, nous avons déjà participé, et continuerons à le faire, à des sessions de « debriefing » au sein d’associations professionnelles ou de cabinets d’avocats et de conseil. Plusieurs sociétés françaises nous ont par ailleurs contactés pour que nous leur apportions des éclairages de manière bilatérale et informelle.

La loi Sapin 2 s’applique aux plus grandes entreprises françaises qui sont généralement très actives à l’international et qui sont donc les plus exposées à l’utilisation du droit comme arme de guerre économique et comme instrument de déstabilisation par des puissances étrangères. Chez Sonepar, nous avons une vision « équipe de France » sur ces sujets importants. Et nous avons en tête l’objectif premier assigné à la loi Sapin 2, qui vise à assister les entreprises françaises dans la mise en place de leurs programmes de prévention de la corruption afin de les protéger. Cette logique de retour d’expérience, de la part de la première entreprise certifiée conforme, va donc dans le sens de la loi Sapin 2.

Margaux Savarit-Cornali

 

Vous pouvez également retrouver notre interview de Gérald Bégranger, directeur adjoint de l'AFA.

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