Le président Les Républicains de la commission des finances de l’Assemblée Nationale se positionne contre le prélèvement à la source et rappelle qu’il sera possible de supprimer cette disposition en cas de changement de majorité.

Décideurs. En 2017, le montant de la dépense publique atteindra 1 250 milliards d’euros, soit 57 % du PIB. Baisser ces dépenses tout en diminuant les impôts comme l’opposition le souhaite aura pour conséquence de creuser le déficit et d’augmenter la dette si la croissance n’est pas au rendez-vous. Quelle est votre position à ce sujet ?

Gilles Carrez. La question du rythme d’ajustement des dépenses publiques est centrale dans le cadrage budgétaire des différents candidats, dans la mesure où les effets attendus des réformes qui seront engagées dès juillet 2017 (retraites, assurance-chômage…) ne prendront leur plein effet qu’à moyen terme. À l’inverse, les baisses d’impôt et de charges auront un impact immédiat sur nos comptes publics, d’où la possibilité d’un creusement des déficits en 2017, voire en 2018. Selon moi, on peut assumer ce choix à plusieurs conditions. Premièrement, il conviendra de précisément évaluer le coût des mesures décidées par l’actuel exécutif et qui auront des impacts dans le temps sans que l’on puisse revenir dessus (point d’indice, tiers payant...). Deuxièmement, il faudra prendre des mesures immédiates en dépenses pour ajuster notre trajectoire, et ce d’autant plus que – comme je le crains – le point de sortie de ce quinquennat devrait se situer aux environs de -4% de PIB. Enfin, ce décalage ne peut être assumé que si la politique monétaire européenne est toujours aussi accommodante et que, dès lors, les taux d’intérêt restent historiquement bas.

 

Vous êtes opposés au prélèvement à la source. Pour quelles raisons ?

Techniquement, le passage au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ne présente qu’un intérêt très limité par rapport au système actuel. Aujourd’hui, grâce au travail de l’administration fiscale, le recouvrement de l’impôt se fait dans d’excellentes conditions et la mensualisation permet un pilotage presque en temps réel par les contribuables. Dès lors, je ne peux m’empêcher de penser que cette réforme présente un objectif inavoué : celui d’individualiser l’impôt et, à terme, de faire disparaître sa familialisation. N’oublions pas que c’est aussi – quoi qu’en dise le gouvernement – un préalable indispensable à la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, fusion qui engendrerait des transferts de charges massifs au détriment des contribuables.

 

Christian Eckert l’affirme : le prélèvement à la source sera appliqué en 2018 quelle que soit la majorité. Un retour en arrière serait-il toutefois possible en cas de changement de majorité ?

Bien entendu, à condition que les Français nous en donnent mandat. En 2017, l’impôt continuera à être collecté sur la base des revenus de 2016. Dès lors, nous pourrons abroger cette réforme dès la loi de finances rectificative de juillet 2017 en prévision de la collecte de 2018. Ce que la loi a fait, une loi peut le défaire.

 

De plus en plus, des voix s’élèvent et réclament que chaque citoyen participe à l’impôt, même si cela s’élève à quelques dizaines d’euros pour les plus modestes. Qu’en pensez-vous ?

Du fait des différentes réformes qui ont touché le bas du barème de l’impôt sur le revenu ces dernières années, aujourd’hui moins d’un Français sur deux acquitte l’impôt sur le revenu. Nous sommes revenus à un niveau équivalent à celui de 2010 (46%). Or, dans le même temps, la charge fiscale s’est accrue de 20 milliards d’euros ! Au-delà de la question philosophique du lien entre impôt et citoyenneté, ce mouvement de reflux conduit à faire supporter le poids de l’impôt sur un nombre toujours plus faible de contribuables. Il s’agit, selon moi, d’une atteinte très forte au consentement à l’impôt qui s’est d’ailleurs manifestée par le départ à l’étranger de nombreux contribuables.

 

« L’idée d’instaurer une « flat tax » me paraît judicieuse »

 

Vous avez œuvré pour que soit inscrite dans la loi Macron une modification du dispositif d’attribution d’actions gratuites afin de le rendre plus favorable aux salariés. Quels en sont les premiers retours ?

Tout d’abord, je tiens à rappeler que dans un contexte marqué par une baisse du nombre d'opérations d'attribution, la mise en place d'un cadre fiscal plus incitatif se justifiait. J’ajoute que cet article permettait également de revenir sur les différentes hausses d'impôt adoptées ces dernières années par le Gouvernement et qui avaient conduit à un taux marginal d'imposition très élevé sur le gain d'acquisition. Quant à ses effets, ils sont assez difficiles à évaluer dans la mesure où l’objectif principal de cette mesure consistait à prévenir les risques de délocalisation des centres de décision des grands groupes.

 

L’opposition le promet, si elle est élue en 2017, l’ISF sera supprimé. Or beaucoup de PME, d’entreprises innovantes ou encore d’associations bénéficient de l’argent des redevables de l’ISF au titre d’une réduction d’impôt. Revenir sur la réforme aurait d’importantes conséquences dans ces secteurs. Ne faudrait-il pas mieux remettre à plat toute la fiscalité du capital afin d’harmoniser chaque impôt ?

Vous avez raison, il s’agit là d’un paradoxe : supprimer un impôt antiéconomique pose problème car en le supprimant on risque de tarir un financement basé sur les moyens d’y échapper ! Cela étant, il faut bien entendu prendre en compte cette dimension. Je pense que le bon vecteur est celui de l’impôt sur le revenu, par exemple en rendant plus incitatif le dispositif Madelin. Quant à la fiscalité du capital d’une manière générale, je considère indispensable de ramener les prélèvements dans la moyenne européenne tout en les simplifiant. L’idée d’instaurer une « flat tax » à assiette large sur ces revenus à un taux de 30 %, y compris les prélèvements sociaux, me paraît tout à fait judicieuse.

 

Quel regard portez-vous sur le rapport remis par Pascal Terrasse au sujet du développement de l'économie collaborative ?

L’économie collaborative est aujourd’hui une réalité économique. Pour certains utilisateurs, il s’agit bien plus que d’un complément de revenu. Pour les finances publiques, il s’agit d’un sujet important, révélant les difficultés d’adaptation de notre droit fiscal à une économie en mutation. Les revenus perçus par les particuliers dans le cadre de l’économie collaborative sont en effet rarement déclarés et partant, rarement imposés, ce qui se traduit à la fois par des pertes de recettes pour l’État, mais aussi par une concurrence déloyale à l’égard des entreprises traditionnelles intervenant sur les mêmes secteurs. De ce point de vue, le rapport de Pascal Terrasse ouvre de nombreuses perspectives, à la fois par sa qualité et son objectivité. Je partage notamment l’idée selon laquelle les sites internet devraient communiquer automatiquement les  informations sur les revenus générés par leurs utilisateurs à l’administration fiscale. Alors que l'administration fiscale est incapable de contrôler chaque vendeur et chaque acheteur, les plate-formes ont accès, elles, aux revenus de chacun de leur membre, en temps réel et à l'euro près.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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