Du bureau classique à l’open-space en passant par les bureaux « à la Google », comment les futurs dirigeants voient-ils les espaces de travail ? Ingrid Nappi-Choulet, responsable de la chaire Immobilier et développement durable de l’Essec, a ausculté les aspirations et positionnements de plus de deux mille étudiants. Entretien.

Décideurs. La première étude sur le bureau de demain vu par la jeune génération remonte à 2013. Est-ce que cette durée est suffisante pour faire émerger des évolutions??

Ingrid Nappi-Choulet. Il y a à la fois de vraies continuités et des points de rupture. En trois ans, on observe un mouvement des opinions des étudiants sur plusieurs aspects. Les bureaux « à la Google » qui ont été beaucoup médiatisés ne semblent plus vraiment susciter l’adhésion. Il n’y a pas non plus de grande appétence pour les tiers-lieux dont on parle énormément actuellement. 51 % des sondés ne veulent pas y travailler régulièrement et près des deux tiers d’entre eux craignent même d’y être moins efficaces que dans un bureau classique. Ce qui apparaît incontestable au travers des résultats, c’est que l’« effet start-up » s’est amenuisé.

 

Qu’en est-il de l’open space??

Il a une image ambiguë qui n’est pas une « vue de l’esprit » car deux tiers des étudiants interrogés y ont déjà travaillé. 23 % y sont défavorables mais 64 % estiment qu’il est un facteur positif pour l’ambiance et les synergies. On peut d’ailleurs se poser la question d’une certaine envie du maintien d’un cadre hiérarchique. Si pour 63 % d’entre eux, l’espace ne doit pas refléter la hiérarchie, pour 37 % celle-ci doit au contraire être apparente. Mais gardons en tête qu’il ne s’agit pas d’une étude ayant pour objet de dresser les aspirations de la génération Y sur le travail de demain. Il s’agit d’étudiants de l’Essec destinés à devenir cadres dirigeants eux-mêmes.

 

À travers vos résultats, on constate que si se rendre sur un lieu de travail reste d’actualité, les notions d’efficacité et de plaisir deviennent primordiales. Qu’en pensez-vous??

87 % des étudiants veulent en effet « aller au bureau » mais un bureau aux espaces de travail favorisant l’efficacité et le bien-être. La proximité de véritables espaces de verdure, la dimension high-tech et la part faite aux espaces informels de rencontres et de convivialité sont devenues essentielles. D’ailleurs, les jeunes sondés sont tout à fait familiers de la problématique de la qualité de vie au travail car ce critère est aujourd’hui fortement pris en compte par les campus. Ceux-ci se livrent une compétition féroce pour attirer les meilleurs étudiants. Pour cela, ils mettent en place des services associés pour être le plus attractif possible. En conséquence, les étudiants sont « gâtés » et s’attendent à retrouver sur leur lieu de travail les mêmes avantages dont ils disposaient sur les campus. Pour 36 % d’entre eux, l’espace de travail est déterminant dans le choix de leur futur employeur.
 

Pour 36 % des futurs cadres dirigeants, l’espace de travail est déterminant dans le choix de leur futur employeur

Quels retours avez-vous des professionnels de l’immobilier et de l’entreprise suite à la publication de vos études ?

En 2013, ce sont surtout les directions des ressources humaines qui ont été sensibles à la publication des résultats. La nécessité de garder les jeunes talents dans l’entreprise est un enjeu majeur pour elles. Dès leur « chasse » sur les établissements d’enseignement supérieur, elles prêtent attention aux critères des étudiants qu’elles considèrent déjà comme de futurs salariés. Le secteur immobilier n’a pas la même prise de conscience. Mais la publication de la seconde enquête a déjà généré plusieurs appels de promoteurs. Si le monde des ressources humaines et le monde de l’immobilier ont chacun une expertise propre, des passerelles certaines se dessinent.
 

En conclusion de l’étude, comment synthétiseriez-vous ce qu’est le bureau idéal pour les futurs cadres dirigeants??

Il est végétalisé et situé dans Paris intra-muros. La prédominance de la capitale est écrasante, préférée par 60 % d’entre eux et contrairement à l’idée reçue d’une importante fuite des cerveaux hors de France, seulement 21 % des étudiants souhaitent travailler à l’étranger. Quant à la végétalisation, elle ne se limite pas à quelques plantes vertes dans les espaces de réception mais au souhait de participer à un potager ou de disposer de façades et de toits végétalisés. Elle est désormais ancrée dans les esprits comme un véritable facteur de bien-être au travail.

 

Propos recueillis par Laetitia Sellam

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail

GUIDE ET CLASSEMENTS

> Guide 2024