Pressés par les politiques, les régulateurs financiers ont lancé une dizaine de réformes en moins de dix ans. Concentrés sur la gestion des risques, ils ont oublié que la plus grande menace à la stabilité financière est l’absence de croissance.

Moins réguler les marchés pour mieux financer l’économie?: voilà le nouveau credo de la Commission européenne, et le seul moyen selon elle pour que banques, sociétés de gestion ou assureurs puissent soutenir l’investissement et la croissance. Un changement de cap dû au constat que la politique de régulation à outrance a montré ses limites. Non seulement les marchés financiers européens ne sont pas plus sûrs mais ils ont perdu en compétitivité. En 2015, seuls 40 % des investisseurs européens étaient actifs.

 

Titrisation

 

Face à un chômage de masse, la régulation des risques ne semble donc plus être la priorité des politiques. Pour Jonathan Hill, commissaire européen aux services financiers, « la stabilité financière est un prérequis à la croissance. Mais à un moment, la plus grande menace à la stabilité est l’absence de croissance elle-même. » L’Union des marchés de capitaux (CMU pour Capital Market Union) va dans ce sens.

 

Longtemps perçue comme une tentative supplémentaire de contrôler les marchés, elle est désormais présentée comme un moyen de financer l’économie européenne. Pour cela, les régulateurs souhaitent supprimer les obstacles à la libre circulation des capitaux dans les vingt-huit États membres. Pour marquer les esprits, Jonathan Hill a également annoncé que les petites banques pourraient bientôt se voir plus facilement exemptées des nouvelles directives et règlements sur les exigences portant sur les fonds propres.

 

L’environnement prudentiel a également conduit les banquiers et assureurs à limiter la taille de leur bilan. Ces derniers ne sont donc pas tenus de détenir dans leur bilan des créances titrisées car les charges en fonds propres restent dissuasives. Résultat, la titrisation européenne est à la traîne. Après avoir atteint un pic de 650 milliards d’euros en 2008, les volumes d’émissions n’étaient plus que d’environ 200 milliards d’euros en 2015. Autre sujet sensible, Solvabilité II. Et là encore, face aux critiques des assureurs qui indiquaient avoir des difficultés à investir dans les projets d’infrastructure, la Commission européenne a fait machine arrière.

 

Pause réglementaire

 

Bruxelles semble donc bien décidée à ne pas se laisser entraîner dans une surenchère de mesures supplémentaires portées par le Comité de Bâle. Une bonne nouvelle pour les banques qui craignaient l’arrivée d’un Bâle IV encore plus contraignant. La mise en place de Bâle III leur coûte déjà suffisamment cher. En réponse à ces inquiétudes, l’Union européenne a notamment annoncé l’ouverture prochaine d’une consultation sur le « NSFR », ce ratio qui les oblige à avoir une vision à un an sur leurs liquidités. Néanmoins, pour de nombreux analystes, cette pause pourrait n’être que temporaire. En cause, les sujets brûlants qui agitent l’Europe comme les suites du référendum britannique sur le Brexit mais aussi les élections en France et en Allemagne. Bruxelles pourrait ensuite repartir à la charge. Qu’importe les véritables raisons, les marchés financiers et les banques savourent cette trêve.

 

Vincent Paes

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