Par Étienne Kowalski, avocat associé, et Frédéric Jonglez de Ligne, avocat. Simmons & Simmons 
À l’occasion d’une loi pour «?verdir?» l’agriculture, le législateur a aligné les règles de transparence relatives aux médicaments vétérinaires sur celles des médicaments à usage humain. Dans le cadre de la lutte contre l’antibiorésistance, les industries du médicament vétérinaire voient en outre les pratiques commerciales sur les antibiotiques radicalement modifiées. Les industriels vont devoir rapidement se plier à ces exigences.

Le 11?septembre 2014, le parlement a voté la loi d’avenir pour l’agriculture l’alimentation et la forêt1. Ce long texte contient des dispositions relatives aux milieux agricoles et forestiers ainsi que des dispositions concernant le médicament vétérinaire. Ces nouvelles dispositions obligent les acteurs du médicament vétérinaire à de nouvelles pratiques. Ces nouvelles règles modifient notamment les relations entre les industries du médicament vétérinaire et les vétérinaires, qui sont à la fois prescripteurs et dispensateurs de médicaments, ainsi que les pratiques commerciales relatives aux médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques.

Dispositifs anti-cadeaux et transparence
La loi transpose au médicament vétérinaire les dispositifs «?anti-cadeaux?» et «?transparence?» applicables au médicament humain. Ainsi, la loi crée un nouvel article L5141-13-1 dans le code de la santé publique qui a pour but d’interdire les avantages octroyés par les industries du médicament vétérinaire aux prescripteurs et utilisateurs de médicaments vétérinaires. Le législateur reprend ici simplement les règles déjà existantes pour le médicament humain, connues sous le nom de règles DMOS2. Il est donc désormais interdit pour les vétérinaires, les groupements de producteurs, les utilisateurs agréés, les fabricants et distributeurs d’aliments médicamenteux, aux étudiants se destinant aux professions de vétérinaire ou de pharmacien, ainsi que pour les associations qui les représentent de recevoir des avantages en nature ou en espèce, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, procurés par les industries du médicament vétérinaires. Interdiction est faite réciproquement aux industries du médicament vétérinaire de proposer de tels avantages.
Comme en matière de médicament humain, des exceptions sont prévues pour les activités de recherche et pour l’hospitalité, avec les mêmes obligations de soumission préalable à l’ordre compétent. Des décrets doivent encore préciser les modalités de mise en œuvre, étant notamment précisé que toutes les personnes visées ne disposent pas d’un ordre professionnel. Le non-respect de l’interdiction de fourniture des avantages est sanctionné pénalement par une amende de 37 500?euros et le fait d’accepter un avantage est puni d’une amende de 4 500?euros. Le monde vétérinaire connaissait déjà des règles anti-cadeaux : l’article R5141-87 du code de la santé publique interdisait déjà la remise d’avantages matériels directs ou indirects autres que les conditions tarifaires en vigueur, mais autorisait les dons destinés à encourager la recherche et l’enseignement au profit d’établissements publics ou fondations reconnues d’utilité publique. La loi introduit aussi un dispositif transparence applicable au monde de la santé animale. Ici encore, le législateur s’est contenté de reprendre le dispositif tel qu’il avait été mis en place dans la santé humaine à l’occasion de la loi n°2011-2012 du 29 décembre 2011, dite «?loi Bertrand?». Le nouvel article L5141-13-2 du code de la santé publique oblige les industries du médicament vétérinaire à rendre publics d’une part les conventions passées avec les personnes listées (vétérinaires, groupements, associations, étudiants, établissements d’enseignement fondations, sociétés savantes, organismes de conseil, éditeurs de presse, etc.) et d’autre part les avantages accordés à ces personnes. Le non-respect des obligations de transparence est sanctionné pénalement par une amende de 45 000?euros. Là aussi, un décret précisera les modalités de cette obligation nouvelle.

Lutte contre l’antibiorésistance et pratiques commerciales
La nouvelle loi vise aussi à prévenir le développement des risques pour la santé humaine et animale liés à l’antibiorésistance. Cet objectif s’inscrit dans le plan national de réduction des risques d‘antibiorésistance, dit plan Ecoantibio 2017, et vise à limiter le recours aux antibiotiques vétérinaires. Il fixe un objectif de réduction de 25?% en cinq ans de l’usage des antibiotiques. La loi met ainsi en place à la charge des industries du médicament vétérinaire et des vétérinaires une obligation de déclaration à l’ANMV de la cession des médicaments vétérinaires comportant une ou plusieurs substances antibiotiques, avec l’indication du vétérinaire prescripteur et des détenteurs d’animaux auxquels ces médicaments sont destinés (espèces dont la chair ou les produits sont destinés à la consommation humaine). La loi prévoit en outre la mise en place, au plus tard le 30?juin 2015, de recommandations de bonne pratique d’emploi destinées à prévenir le développement des risques pour la santé humaine et animale liés à l’antibiorésistance. La loi instaure ainsi que tous les acteurs sont sensibilisés aux risques liés à l’antibiorésistance ; les bonnes pratiques d’élevage et les bonnes pratiques de prescription et d’utilisation de ces substances sont privilégiées, ainsi que le développement des alternatives permettant d’en éviter le recours.
Sur le terrain commercial, la loi interdit certaines pratiques commerciales pour les médicaments vétérinaires contenant des substances antibiotiques. Le nouvel article L5141-14-2 du code de la santé publique interdit les remises, les rabais, les ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente, la remise d’unité gratuites et toute autre pratique équivalente à l’occasion de la vente de médicaments vétérinaires contenant des substances antibiotiques. Toute pratique commerciale visant à contourner, directement ou indirectement, cette interdiction par l’attribution de remises, rabais ou ristournes sur une autre gamme de produits liée à l’achat de ces médicaments est prohibée. Le nouveau texte interdit aussi les contrats de coopération commerciale relatifs à des médicaments vétérinaires antibiotiques. Pour assurer le respect de ces nouvelles dispositions, le législateur a prévu un système de sanction prévoyant une amende administrative pouvant aller jusqu’à 75 000?euros pour une personne morale ainsi qu’un système d’astreinte pouvant aller jusqu’à 1 000?euros par jour. Ces nouvelles règles doivent être mises en œuvre immédiatement. Le législateur a prévu que les contrats commerciaux devaient être mis en conformité avec la nouvelle loi avant le 31?décembre 2014. Saisi notamment sur le nouvel article L5141-13-2 du code de la santé publique, le Conseil constitutionnel l'a déclaré conforme à la Constitution dans sa décision du 9 octobe 2014 (Décision n° 2014-701 DC ).

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