L'échec du rachat de Meeschaert par KBL Richelieu n'a pas éteint les ambitions du groupe, bien au contraire. Régis Brochot, le directeur général de KBL Richelieu Banque privée nous expose son plan de développement pour les prochaines années et prédit que le marché français sera encore le théâtre de plusieurs mouvements capitalistiques.

Décideurs. Vous avez succédé en mai dernier à Olivier Roy à la tête de KBL Richelieu Banque privée en France. Comment se sont passés ces premiers mois ?

Régis Brochot. Nous avons travaillé à l’établissement d’un plan stratégique qui s’est traduit, dans un premier temps, par la réorganisation et l’optimisation du positionnement de la banque privée pour l’adapter à l’environnement et aux enjeux qui sont les nôtres. Concomitamment, nous avons lancé une campagne de recrutement de banquiers privés développeurs et de spécialistes « produits et services » (produits structurés, advisory, crédits, quality client services, origination, etc.). Nous sommes sans doute l'une des rares banques privées en France à afficher une telle démarche, les acteurs de ce marché étant plutôt dans une optique de réduction de leurs effectifs.*

 

Quels sont les points marquants de votre stratégie de développement ?

Ces dernières années, le groupe KBL European Private Bankers s’est fortement structuré et s’est donné les moyens d’une croissance soutenue. Il a ainsi réalisé plusieurs opérations de croissance externe dont deux très significatives : UBS en Belgique et Insinger de Beaufort aux Pays-Bas. Depuis une petite dizaine d’années, KBL Richelieu ne connaissait plus de croissance (2,25 milliards d'euros d’actifs en gestion au 31/12/2016), et se retrouvait donc un peu « à la traîne » par rapport aux autres filiales du groupe (huit en Europe). La direction du groupe, avec l’appui de l’actionnaire de référence, a souhaité accélérer le développement sur le marché français et donner à KBL Richelieu les moyens de ses ambitions.

 

Avez-vous eu des opportunités de croissance externe récemment ?

La croissance externe fait effectivement partie de notre feuille de route, aux côtés de la croissance organique et semi-organique. L’été 2016 a d’ailleurs été largement consacré à l’étude d’un important dossier de croissance externe, qui correspondait en tous points à nos critères et qui collait parfaitement à notre stratégie. Ce dossier n’a pas abouti, les vendeurs ayant décidé de retirer la société de la vente en septembre.**

Les mariages sont toujours intéressants sur le papier, mais leur exécution souvent complexe

 

Quel serait le profil idéal de votre prochaine acquisition ?

Nous étudierons toutes les opportunités qui se présenteront, sous réserve que le ou les fonds de commerce visés correspondent à notre cible de clientèle (clients disposant à court terme d’au moins un million d’euros à déposer dans nos livres et/ou dont le potentiel est similaire), et que la philosophie d’approche et de services aux clients soit commune, avec les mêmes notions d’exigence et de qualité.

Les mariages entre structures sont toujours intéressants sur le papier, mais leur exécution souvent complexe dans la réalité. L’idée est de créer de la valeur, pas d’en détruire.

 

Un éventuel intérêt pour un cabinet de CGPI ?

Nous n’excluons rien, à la condition, encore une fois, que les critères que je viens de citer soient alignés. Il en va de même pour les sociétés de gestion disposant d’une activité de banque privée.

 

L’environnement est-il favorable à une consolidation du secteur ?

Le nombre d’acteurs encore indépendants de taille significative s’est beaucoup réduit.

Toute la profession est confrontée aux exigences des régulateurs nationaux et/ou supranationaux et à la mise en place de directives européennes de plus en plus contraignantes (MIFID II, PRIPS, etc.).

Les modèles économiques sur lesquels ont vécu les banques privées sont remis en cause par l’augmentation des coûts liés aux obligations de contrôle, ceux touchant à la modernisation des systèmes d’information et par une moindre rentabilité liée à la volatilité des marchés et à l’aversion aux risques des clients.

L’adossement à des groupes disposant de moyens importants est souvent le seul recours pour survivre.

Certains acteurs historiques réfléchissent activement au (re)positionnement de leur banque privée, voire à son utilité

 

Le secteur de la banque privée semble à la recherche d’un nouveau souffle. Comment l’expliquez-vous ?

La définition de la « banque privée » et de son périmètre est différente d’un établissement à un autre, ce qui rend d’ailleurs les comparaisons difficiles. Certaines accompagnent des clients à partir de 50 000 euros quand d’autres démarrent à dix millions de dollars.

À une époque pas si lointaine, l’attrait des grands établissements bancaires pour l’activité de « gestion privée », « banque privée » ou « gestion de fortune » était fort. Le modèle promettait des recettes récurrentes sans engagement de fonds propres. Un véritable luxe à côté de certaines activités de banques d’affaires ou d’investissement pour lesquelles, au 1er janvier de chaque année, les équipes repartent quasiment d’une feuille blanche.

L’arrivée d’acteurs suisses à la fin des années 1990 a changé la donne. Pour réussir leur implantation, ceux-ci ont débauché, souvent à prix d’or, des équipes entières. La masse salariale s’est envolée chez tous les intervenants qui devaient se mettre à niveau pour conserver les talents qu’ils avaient formés pendant de longues années.

Plus récemment, la crise des subprimes, suivie de la chute de Lehman Brothers et de la crise financière historique qui en a découlé, ont eu des conséquences extrêmement douloureuses sur les bilans des banques privées et leurs coefficients d’exploitation.

Les clients sont devenus averses aux risques et ont privilégié la sécurité, synonyme d’une moindre rentabilité pour les banques. La transparence des performances et des frais s’est accélérée avec l’accès instantané à l’information via Internet, et l’arrivée début 2018 de MIFID II va encore accentuer ce phénomène. Aujourd’hui, certains acteurs historiques réfléchissent activement au (re)positionnement de leur banque privée, voire à son utilité et toutes les options sont ouvertes : réduction de la taille, remontée du seuil d’éligibilité, sortie du marché...

Je pense donc que le secteur n’a pas fini de se transformer et/ou de se concentrer.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

 

* Selon nos informations, JP Morgan et Neuflize OBC travaillent actuellement sur un plan de réduction de leurs effectifs.

** D’après nos informations, il s’agirait de la société Meeschaert

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