La volatilité et l’instabilité des marchés financiers sont des armes à double tranchant. Si elles peuvent être, à juste titre, associées à un risque plus élevé, elles génèrent également de très belles sources d’opportunités. Le cofondateur d’H20 Asset Management nous explique comment H2O compte en tirer profit.

Décideurs. Les investisseurs doivent-ils rester positionnés sur le marché américain malgré des valorisations très élevées ?

Vincent Chailley. Plus que les valorisations, élevées il est vrai, c’est le risque lié aux taux d’intérêt qui est sous-estimé par les investisseurs. La Réserve fédérale s’est montrée prudente jusque-là mais reprendra rapidement la hausse graduelle de ses taux directeurs. Elle a poussé l’absence de normalisation jusqu’à sa limite, profitant de toutes les occasions pour retarder l’inévitable. Mais les pressions inflationnistes pourraient être suffisamment fortes pour qu’elle n’ait plus le choix, et les investisseurs étrangers, très présents sur le marché américain, n’y sont pas prêts. Ils pourraient donc opérer des sorties de capitaux significatives en cas de remontée des taux plus rapide que prévu.

Le Brésil n’a pas profité de la dévaluation de son change pour corriger son déficit fiscal

 

Le marché des actions US serait-il fragilisé par une remontée des taux ?

Le marché des actions est toujours sensible aux taux d’intérêt, mais il l’est encore plus aujourd’hui. En effet, ce sont les valeurs qui profitent des taux bas qui se sont le plus appréciées. Celles-ci sont aujourd’hui très chères et très détenues par les investisseurs, notamment étrangers. À l’inverse, les valeurs peu exposées au risque obligataire ont été délaissées, voire liquidées cette année. En ce sens, la classe d’actifs est passée d’une logique de confiance, visant le gain en capital, à une logique de certitude, centrée sur le rendement. Cette mécanique fragilise les actions au moment où les taux d’intérêt pourraient repartir à la hausse. La sous-performance des valeurs défensives ces dernières semaines indique d’ailleurs que la correction pourrait avoir commencé.

 

Certains marchés dits émergents, comme la Russie ou le Brésil, ont rebondi de manière spectaculaire. Leur dynamique va-t-elle se poursuivre ?

La forte performance des deux marchés masque deux situations fondamentalement différentes : l’un des pays s’est ajusté à la baisse du prix de l’énergie, l’autre ne l’a pas fait. La Russie s’est ajustée : le change a perdu 50 %, les revenus sur ses exportations, exprimés en dollars, ont équilibré la balance commerciale, et l’inflation redescend. Même au prix d’une récession assez sévère, la dévaluation est réussie : les déséquilibres commercial et fiscal sont moindres, et la dette externe ne représente que 10 % du PIB, ce qui est très satisfaisant.  À l’inverse, le Brésil n’a pas profité de la dévaluation de son change pour corriger son déficit fiscal, qui atteint 10 % du PIB, tandis que la dette externe représente 70 % et ne cesse d’augmenter. Cela pourrait, à terme, conduire à l’insolvabilité du pays.

La Chine est en train de poser les bases d’une crise financière à plus long terme

 

Comment réussir ses investissements dans les pays émergents alors que de nombreux pays, comme le Brésil, font face à une forte instabilité économique ?

L’instabilité des marchés suppose d’avoir une vision plus large, qui dépasse l’horizon d’un investisseur à court terme, afin d’éviter de nombreux pièges. Le Brésil est lui-même un piège avec le risque d’une nouvelle dévaluation et d’un séisme politique et social. Il faut oser regarder au-delà des performances récentes et s’affranchir de l’effet de mode. En Asie, la Chine a su rassurer ses investisseurs et a maintenu un bon niveau de croissance au prix d’une augmentation de son levier financier. À court terme, cela fonctionne mais la qualité de la croissance n’est pas là. La Chine est en train de poser les bases d’une crise financière à plus long terme. Elle finira par devoir payer l’addition et ajuster ses équilibres économiques.

Les obligations grecques offrent un rendement réel de près de 7 %

 

Les politiques monétaires orchestrées par les principales banques centrales ont notamment fait chuter le rendement obligataire en Europe. Est-il encore possible d’aller chercher de la performance sur ce marché ?

Le marché obligataire se déprécie. Aujourd’hui, il n’y a pratiquement plus d’endroits dans le monde où subsistent des taux réels positifs, c’est-à-dire qui offrent un rendement supérieur à l’inflation. Ils sont négatifs aux États-Unis, au Japon et en Europe, et même dans la majorité des pays émergents. Les investisseurs se tournent vers les obligations à maturité plus longue, de qualité et de rating moindres, ce qui accroît le risque qu’ils portent.

Il reste toutefois quelques exceptions. Les obligations grecques par exemple, offrent un rendement réel de près de 7 % alors que le risque de solvabilité pour l’investisseur privé a quasiment disparu et que la perspective prochaine d’un rééchelonnement de la dette souveraine et son éligibilité au rachat par la BCE éclaircit l’horizon. À la suite d’un accident, le marché a toujours besoin de temps pour se repositionner. C’est précisément ce qui en fait une belle opportunité. Les investisseurs qui « osent » prêter au Brésil ou aux entreprises chinoises devraient s’y intéresser.

 

À travers votre fonds H20 MultiStratégies, vous pouvez être investi sur l’ensemble des classes d’actifs. Quelles sont vos convictions d’investissement pour les mois à venir ?

S’agissant du marché obligataire, nous nous protégeons actuellement contre une hausse des taux d’intérêt. Concernant le marché d’actions, nous estimons que les valeurs défensives sont entrées dans une logique de bulle spéculative. Suivant un style de gestion « top down », nous privilégions donc certains secteurs « value » qui ont pu être dépréciés à l’excès par les marchés, comme la technologie, l’automobile et les financières.

Enfin, le dollar reste à privilégier car il offre le double intérêt de profiter de la solide croissance américaine et de protéger le portefeuille en cas d’accident.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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